(lc) – Ecrire une biographie croisée de deux hommes que tout, à part leurs origines, oppose n’est pas une chose facile. Surtout quand les sources sont inégales. C’est pourtant ce qu’a fait Thomas Harding – pour des raisons familiales avant tout, vu qu’il est le petit- neveu de Hanns Alexander. Ce dernier n’avait, à la surprise surtout de sa plus jeune famille, jamais évoqué ses faits d’armes pendant et surtout après la Seconde guerre mondiale. Plus étonnant encore quand on sait qu’Alexander a été l’homme qui a capturé le Gauleiter du Luxembourg, Gustav Simon, et Rudolf Höss, le commandant d’Auschwitz, l’homme qui a inventé le système des chambres à gaz. Les deux hommes naissent dans un même pays, mais dès leur plus jeune âge évoluent dans des trajectoires très différentes. Tandis que Höss souffre de son éducation rigoriste et catholique dans la ville industrielle de Mannheim, Alexander est un enfant choyé de la haute bourgeoisie berlinoise. Pour Höss, le seul horizon est de se bâtir une existence rurale avec sa famille, un idéal qu’il essaie d’atteindre à travers le service militaire lors de la Seconde guerre mondiale, puis chez les SS. Alexander voit ses rêves détruits par l’ascension des nazis, et de son exil à Londres ne pense qu’à la vengeance contre ce pays qui l’a trahi. Höss, qu’apparemment rien ne prédisposait à une carrière de monstre sanguinaire, s’englue petit à petit dans la machine à tuer mise en place par son idole Heinrich Himmler, tandis qu’Alexander grimpe un à un les échelons pour devenir membre de la première équipe d’enquête sur les crimes de guerre. Et la perspective de capturer Höss, l’ingénieur du mal, lui fait redoubler d’efforts. Malgré une perspective romanesque et non historique, « Hanns et Rudolf » est un livre édifiant qui montre que les pires horreurs et les exploits les plus courageux ne sont pas des légendes, mais remontent bien à des humains.
Hanns et Rudolf, paru aux éditions Flammarion.