EXPOSITION COLLECTIVE: Shérif, fais-moi peur !

Le collectif PNSL a présenté la semaine dernière sa première exposition collective, « Angste Povera » – un tour d’horizon sur le thème de la peur, qui n’arrive pas toujours à être à la hauteur de ses ambitions.

La carcasse du Fokker écrasé au Luxembourg en 2002 est entrée dans le domaine de l’art.

Si leur première exposition est dédiée à la peur, les membres du collectif PNSL n’appréhendent nullement d’afficher leurs ambitions. Avant même de leur première exposition, « Angste Povera », ils ont mis sur pied un marketing viral et pseudo-mystérieux digne du lancement d’un nouveau produit de luxe, pour créer plus de suspense. Dans le fascicule distribué lors du vernissage – qui se lit curieusement comme le supplément d’un certain hebdomadaire luxembourgeois -, on peut lire un historique non-exhaustif des collectifs artistiques luxembourgeois, dans lequel le PNSL s’introduit lui-même. « Ses membres ne sont plus ces jeunes idéalistes fraîchement revenus de leur formation à l’étranger et voulant se faire une place dans le monde de l’art », mais des personnes déjà affirmées dans la petite scène artistique locale. Ils peuvent donc prétendre être à même d’éviter certaines erreurs de jeunesse.

Mais si on affiche des ambitions, mieux vaut être à la hauteur. Ce qui, après une première vue d’ensemble, semble seulement partiellement réussi. Commençons donc par les choses positives : Le grand atout d’« Angste Povera » est de ne pas se perdre dans le design ou l’art pour l’art. Non, c’est une exposition ancrée dans la réalité politique, sociale et historique de son sujet principal – la relation qu’entretiennent les Luxembourgeois avec la peur. Pour cela, PNSL a choisi de tendre le miroir au bobo luxembourgeois – grosses bagnoles, maisons ultrasécurisées et propagande de la place financière abondent dans l’exposition. Seulement, au lieu de s’approprier ces images, on se contente de les montrer. Il manque un doigt d’honneur à cette société « éprise de sécurité » et il manque un lien vers l’extérieur capable de surmonter l’autisme grand-ducal.

Un autisme qu’ils semblent bien connaître, comme certaines oeuvres l’illustrent à merveille. Par exemple : « Yippiejaja-yippie-yippie-yeah », une reproduction de la carcasse du Fokker qui s’est écrasé dans un champ en 2002 – qui a provoqué un procès aussi traumatisant pour les victimes que pour l’opinion publique -, brisant une fois pour toutes l’assurance des Luxembourgeois que ces choses-là ne pourraient pas arriver chez eux. Tout comme les pilules d’iode exposées entre les deux étages du Carré Rotondes. Pour les personnes nées vers la fin des années 1970, ces pilules réveilleront le souvenir de la panique qui a envahi le Luxembourg en avril 1986, quand le mystérieux nuage radioactif provenant de la centrale avariée de Tchernobyl planait sur nous. Autre exemple : les photos de deux jeunes filles qui, sans autres commentaires, rappellent l’affaire Dutroux et la peur que cette affaire monstrueuse a semée aussi au grand-duché. Finalement, on citera « Les Formidables » – audacieux film produit par Karolina Marciewicz et Pascal Piron sur des élèves issus de l’immigration ou des demandeurs d’asile au Luxembourg. C’est là que la peur change vraiment de camp – au lieu de se préoccuper de petites craintes de notre havre prospère, le film explore les frayeurs, les nuits blanches et les craintes existentielles de – souvent très – jeunes gens qui ont tout laissé derrière eux pour nous rejoindre et qui encore et toujours sont vus d’un mauvais oeil par une bureaucratie méfiante.

En ce sens, « Angste Povera » est un beau panoptique de la peur – même si certaines oeuvres apparaissent faibles comparées à d’autres – qui n’a pour seul défaut que d’être trop ostensible. L’exposition ne fait, la plupart du temps, que montrer son thème sans en faire un discours. Peut-être est-ce le propre même d’un collectif, dont le désavantage est toujours le compromis, qu’un tel discours manque. En tout cas, pour le futur, d’autres expositions de ce genre – sans les fautes de la « mid-life crisis » peut-être – pourraient rafraîchir une scène locale souvent sclérosée par son formalisme universitaire.

Au Carré Rotondes, jusqu’au 29 juin.


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