Après une prestation stupéfiante, l’année passée au Melusina, la chanteuse-comédienne Erika Stucky reviendra au Luxembourg, mercredi prochain, pour un autre concert au studio du Grand Théâtre.
Rarement un concert organisé par le „jazzclub“ n’avait ainsi fait l’unanimité parmi le public, même parmi ceux qui ne sont pas trop branchés sur le jazz pur et dur. Suite aux multiples demandes des absents, qui, cette fois, avaient vraiment tort, les organisateurs ont donc décidé de réinviter la chanteuse de jazz suisse.
Jazz? Oui, dans la mesure où la spontanéité et l’improvisation sont parmi les caractéristiques essentielles de la chanteuse. Mais les concerts d’Erika Stucky sont bien trop riches en sonorités diverses pour qu’on la catalogue simplement sous une étiquette réductrice. Il y a chez elle de l’avant-garde, de la musique pop, de la variété, du ioulement, de l’opéra, du scat, et de la comédie. Le tout placé sous son leitmotiv „serious fun“, car ses pitreries scéniques sont soutenues par une qualité musicale rare.
Sur scène, elle se présente comme un hybride de Nana Mouskouri et de Fifi Brin d’Acier – grosses lunettes et tresses raides. Et dès qu’elle s’est installée dans son fauteuil miteux entouré d’une ribambelle de clochettes, de sifflets et d’autres objets sonores, elle exhibe tout le potentiel de sa voix, qui ferait pâlir bien des consoeurs connaissant le grand succès malgré un organe vocal très limité. Elle intègre alors dans sa performance, qu’elle considère comme une „oeuvre d’art joyeusement subversive“, des standards de jazz, des vocalises libres, mais aussi des classiques de la musique pop. Ainsi, lors du concert de l’année passée, on avait pu se régaler d’interprétations très stuckyiennes des tubes „Love Hurts“ (Nazareth) et „Roxanne“ (Police).
Erika Stucky est née en 1962, à San Francisco, de parents suisses. Son enfance est marquée par le flower-power californien, de sorte que le retour familial dans le Valais suisse dans les années 70 constitue un choc culturel inévitable, qui est certainement à la base de ses performances scéniques actuelles. Elle étudie le chant à Paris et à San Francisco, puis se lance au début des années 90 dans une carrière de chanteuse. Elle essaie différentes formations (Girl-Group, Roots-Alphornproject, WonderbraHZ), avant de rencontrer le tromboniste américain Ray Anderson, en compagnie duquel elle met au point son trio „Bubbles &
Bones“, avec lequel elle se différencie définitivement de toutes les autres chanteuses sur le circuit.
Ses musiciens ont changé entre-temps, mais l’instrumentation et le concept de ce groupe n’ont pas été altérés. Un concept qui est à l’image de son style: un accompagnement classique avec basse, batterie, piano ou guitare serait bien trop conventionnel et rébarbatif. Erika Stucky („Mrs Bubble“) se fait épauler par deux instruments apparemment ingrats, burlesques même dans cette combinaison: un trombone et un sousaphone (les „bones“). Mais grâce au talent et l’ouverture d’esprit de deux jazzmen remarquables, cette instrumentation se révèle être aussi complète qu’originale.
Le sousaphoniste Matt Perrine, qui a joué avec Artie Shaw, Branford Marsalis et Ray Anderson, assure bien entendu les lignes de basse, tout en étant libre d’intercaler quelques jeux de question et réponse avec la chanteuse et avec le tromboniste Arthur Baron. Celui-ci, qui peut se prévaloir d’avoir joué avec des musiciens aussi divers que Duke Ellington, Illinois Jacquet ou Stevie Wonder, est assez indépendant pour créer des lignes et contrepoints mélodiques. Il a cependant la redoutable obligation d’établir les bases harmoniques sur un instrument monophonique. Erika Stucky, elle, étoffe par moments cette instrumentation curieuse par quelques sons d’accordéon, qui se marient à merveille avec les notes soufflées de ses „bones“.
En tablant sur un afflux public supérieur à celui d’un concert de jazz „normal“, le „jazzclub“ a prévu ce concert au studio du nouveau théâtre à Luxembourg, dont les fraîches infrastructures permettront à Erika Stucky d’intégrer aussi des projections vidéo dans son spectacle. Raison de plus pour se déplacer pour une soirée insolite en compagnie de Madame Bulles. Ioddelhuttu!
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Erika Stucky donnera un concert le 22 octobre
à 20 heures, au studio du Grand Théâtre de la Ville
de Luxembourg.