On a tiré sur Charlie
(woxx) – La litanie des hommages égrène sa monotonie depuis mercredi matin : une attaque contre la démocratie ; solidarité avec les familles des victimes ; avec la liberté de la presse, c’est à la liberté de penser qu’on s’attaque ; les coupables seront retrouvés et punis… Certains poussent leurs pions, en demandant un renforcement des mesures antiterroristes. D’autres évoquent l’unité nationale qu’ils ont pourtant bien effritée lors de leur passage au pouvoir. D’aucuns dérapent, à l’instar du député Roy Reding, retweetant des messages douteux à l’amalgame facile. Combien de fidèles lecteurs de Charlie parmi les indignés ? Combien de défenseurs farouches de la liberté de la presse se sont révoltés lors des bombardements de l’Otan sur la télévision serbe en 1999 ou sur la chaîne libyenne Al-Jamahiriya en 2011 ? Combien de pourfendeurs du terrorisme islamiste ont pleuré les victimes innombrables et quotidiennes dans les pays musulmans ? Peu importe, en vérité. Ces quelques mots, griffonnés trop tôt après l’horreur, pourront évidemment être taxés tout autant de banals, de démagogues. Mais essayons-nous pourtant à l’impossible : le meilleur moyen de rendre hommage, c’est de construire une société plus juste, plus égalitaire, plus empreinte d’humanité, pour tous, pour toutes. Une société que veut aussi Charlie, par-delà les interprétations réductrices de quelques dessins extraits de décennies de journalisme engagé contre l’intolérance certes, mais aussi contre ce néolibéralisme qui monte les uns contre les autres. Une société enfin où la caricature d’un prophète ou un article réfutant l’existence de son dieu en exposant l’épineux « problème du mal » ne trouveront pas comme contre-argument les balles d’une kalachnikov. Alors on se recueille un instant, et puis on continue.