LA GRÈCE JOUE SON VA-TOUT: Rouge ou noir ?

Les négociations avec l’Union européenne sont difficiles pour Syriza, qui doit rendre des comptes à ses électeurs. Un échec aurait des conséquences incalculables.

(Photo: Tage-Olsin-CC-BY-SA-2.0)

Le nouveau gouvernement grec parviendra-t-il à négocier un compromis avec les institutions européennes ? Pour le moment, on en reste au niveau des formalités : Bruxelles accepte de changer le nom de la troïka et – un petit peu – sa manière de fonctionner, tandis qu’Athènes renonce à demander une renégociation complète du paquet d’aides financières en cours. Au mieux, des aménagements seront trouvés pour valider ces aides pendant les quatre mois à venir et un rééchelonnement général de la dette grecque sera accordé ensuite. Ou pas. Difficile de savoir, parmi les pays de la zone euro, qui pense vraiment quoi.

Pas très fair-play, cette partie de poker où, du côté du gouvernement grec, on joue le dos au mur, tandis que ses détracteurs peuvent bluffer allègrement. En effet, l’option de virer la Grèce de la zone euro, voire de l’Union européenne, est désormais tout à fait crédible et serait probablement une catastrophe pour ce pays au bout du continent. Bien entendu, plutôt que de mettre à exécution la menace, Angela Merkel et ses alliés sont en position de concéder un compromis, sans payer pour cela un coût politique prohibitif.

En face, la marge de manœuvre d’Alexis Tsipras est bien plus réduite. Contrairement au début de la crise de la dette grecque, la menace de claquer la porte, de se mettre en défaut de paiement et de déclencher une crise généralisée n’opère plus. D’un point de vue arithmétique, ce risque est contenu depuis que la plus grande partie de cette dette a été reprise par des créanciers publics européens, notamment le Fonds européen de stabilité financière. Financièrement, faire une croix sur quelque 200 milliards d’euros est tenable. Quant aux conséquences politiques incertaines d’un « Grexit » pour l’Union, elles ne suffiront pas pour que ses membres se plient au chantage grec.

Si le gouvernement grec a donc du mal à bluffer, il ne peut pas « se coucher » non plus. En effet, chaque concession faite en matière d’austérité et de « restructuration » ronge sa crédibilité auprès de la population grecque. Pour le moment, Syriza ne s’en tire pas trop mal sur le plan des idées : le parti continue à s’affirmer proeuropéen et vient de mettre fin à la détention de réfugiés dans des conditions indignes, dissipant ainsi les craintes qu’avait inspirées son alliance avec le parti de droite nationaliste Alep. Mais les idées ne se mangent pas : Syriza devra bel et bien tenir ses promesses électorales en matière de politiques sociales.

Les mesures sociales ne constituent pas des cadeaux mais un ballon d’oxygène indispensable.

Qui dit promesses électorales pense cadeaux aux électeurs. Or, les mesures sociales en question – revalorisation des salaires et remise en place des services publics – ne constituent pas des cadeaux mais un ballon d’oxygène indispensable pour rétablir la cohésion sociale et la crédibilité des institutions politiques grecques. Empêcher Syriza d’aller dans cette direction, ce serait programmer la dissolution progressive de ces institutions, avec des conséquences incalculables.

Cela donnerait tout d’abord raison à ceux qui, comme l’économiste Frédéric Lordon, pensent depuis longtemps que les politiques progressistes et la monnaie unique sont incompatibles. Mais plutôt qu’un triomphe de ces idées de gauche radicale en Grèce et en Europe, on peut s’attendre à un renforcement du camp des populistes et nationalistes de droite. À Athènes, le parti Aube dorée, fascisant et antieuropéen, attend son heure.

Une vision d’horreur que celle d’un gouvernement de droite nationaliste entraînant une Grèce devenue État failli hors de l’Union européenne ? Pas forcément pour tout le monde. Des acteurs politiques par ailleurs très « proeuropéens » pourraient y trouver l’avantage d’être débarrassés du problème de la dette grecque. Mais surtout, cela mettrait fin à l’expérience Syriza, incarnant une alternative au mainstream libéral. Ainsi, comme en 1945, certains préfèrent sans doute une Grèce noire à une Grèce rouge.


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