BANDE DESSINÉE: Montrez-moi la Chine !

Li Kunwu est un dessinateur chinois qui publie dans le « Quotidien du Yunnan » et… chez Dargaud. Il nous fait voir la société, la politique et l`histoire à travers les yeux d’un Chinois.

Scène de rue dans le vieux centre de Kunming, un joueur de viole chinoise sous la pleine lune, voyageurs entassés dans une grande salle d’attente, Fête du nouvel an avec échasses et masques… C’est en contemplant les dessins grand format de Li Kunwu lors d’une exposition au musée Cernuschi à Paris que, émerveillé, j’ai décidé de lui dédier un article. La tendresse avec laquelle il dépeint les gens simples, leurs plaisirs traditionnels, leur énergie au quotidien, leurs défauts sympathiques, font vibrer une corde en toute personne qui a connu cette Chine-là.

Li Kunwu, artiste établi dans sa province natale du Yunnan, est connu en Occident pour sa bédé « Une vie chinoise » en trois tomes. Il s’agit d’un récit autobiographique à travers lequel l’histoire de la Chine depuis les années 1950 jusqu’en 2010 se déroule sous nos yeux. Dès les premières pages, le ton est donné : face aux errances tragiques de la Chine de son enfance, l’auteur pratique l’autodérision subversive. Ainsi, ses parents voudraient lui faire réciter « Longue vie au président Mao », puisque les journaux disent que des enfants plus jeunes, âgés de six mois seulement, y parviennent. Mais le petit Li échoue dès la première syllabe : au lieu d’énoncer un « Mao zhuxi », il ne bredouille que des  « ma » et des « pa » confus. Et le père de conclure : « J’ai bien peur que ce ne soit pas une lumière. »

Noir et blanc et noir

Une fameuse citation du réformateur Deng Xiaoping dit que le bilan de Mao Zedong est « 70 pour cent positif et 30 pour cent négatif ». Dans le premier tome, intitulé « Le temps du père », Li donne toute leur place aux 30 pour cent. Cela commence dès 1958 avec le « Grand Bond en avant » : au fil des vignettes, on suit la procession des familles qui amènent leurs objets métalliques pour les faire fondre dans des fours au charbon artisanaux. L’objectif étant que la production d’acier « dépasse l’anglaise et rattrape l’américaine » – en se fixant sur les chiffres et non pas sur la qualité. Plus fatalement, en matière de politique agricole, l’enthousiasme aveugle se substitue à la raison. Annonces de dépassement des objectifs, photos d’enfants « nageant dans le blé » – tandis que l’approvisionnement se fait attendre à Kunming, la capitale du Yunnan où les Li habitent.

Pendant quatre ans, ce sera la « Grande famine », avec plusieurs dizaines de millions de morts. Le père de Li Kunwu, un communiste convaincu qui a fait la guerre civile, est désormais « chef de bureau ». Il a tout vu venir, il désespère de la folie politique, mais il doit continuer à faire « son travail ». Le récit de ces événements tragiques alterne moments de tendresse et événements choquants. Ainsi, l’enfant Li révèle son talent en dessinant Chang’e, la déesse de la lune, et son lapin de jade, d’après l’histoire que lui a contée sa nounou. Le père se fâche – la Chine rouge est justement en campagne contre les traditions, les « Vieux féodaux ». Mais ensuite on le voit feuilleter avec son fils des « lianhuanhua », ces bandes dessinées politiques censées expliquer la différence entre les bons et les méchants aux masses populaires. Et qui représentent la première inspiration du futur auteur de bédé Li. Quelques pages plus loin, c’est l’affreuse histoire de l’oncle Liuba, resté à la campagne, où la famine est encore pire. La faim l’a rendu fou et il se retrouve interné – ce qui donne lieu à quelques vignettes terrifiantes.

Contrairement aux œuvres exposées au Cernuschi, le style du dessin d’« Une vie chinoise » n’est pas très avenant. Li travaille en noir et blanc, sans nuances de gris. Les traits sont souvent épais, avec un effet d’encre qui bave, et parfois comme tracés d’une main tremblante. Dans certaines scènes les aplats noirs – nuit ou ombres – dominent les vignettes, et les effets de texture pour simuler des dégradés de gris ont un caractère menaçant, comme une poussière maléfique qui envahit la vie des personnages. Cela rappelle le style des grands lithographes. « Li ne dessinait pas comme ça. Avant `Une vie chinoise‘, son trait était lisse, rapide, aérien, pudique, à peine sa plume touchait-elle le papier », lit-on dans la préface du troisième tome. Et il est vrai que le nouveau style, plus tordu, plus personnel, convient parfaitement aux pages les plus sombres du sujet. Quant aux moments plus lumineux, c’est à travers les visages qui s’ouvrent, les corps qui s’élancent, les espaces qui se déplient que le sentiment de soulagement devient palpable.

J’ai été fou

Quand Li a onze ans débute la Révolution culturelle. Cela passe par une intensification du culte de la personne de Mao. A l’école, il y a un concours de connaissance sur le « Yu Lu », l’inventaire des citations de Mao, ce qu’on appelle en Occident le « Petit Livre rouge ». Tout doit se faire en suivant l’exemple du Président, en se mettant « au service du peuple » – tout et n’importe quoi. Les « gardes rouges », étudiants et lycéens fanatisés venus des métropoles arrivent à Kunming pour « défendre la révolution contre ses adversaires ». Les écoliers s’y mettent aussi : Li et ses camarades libèrent tour à tour un restaurant, un photographe, un couturier et les bains publics de tout relent d’« esprit bourgeois ». Quand ils veulent imposer au coiffeur de ne plus offrir qu’un choix de coupes simples, celui-ci affirme que cela ne servirait à rien de dresser une liste : ses employés ne savent pas lire. C’est le petit Li qui va résoudre le problème grâce à son talent artistique : il dessine une série de dessins représentant les coupes autorisées et les autres, et le coiffeur finit par se soumettre à la volonté des écoliers, représentants de l’autorité du président Mao.

Ainsi, on « balaie les quatre vieilleries », les pensées, les habitudes, la culture et les coutumes anciennes – ce qui revient à fracasser et à brûler la plupart des livres, gravures, artéfacts et temples qui avaient survécu aux campagnes anti-bourgeoises précédentes. « Ahhh… quel plaisir de se laisser ainsi aller à la folie ! », commente l’auteur. « Tout ce que, de génération en génération, nous nous étions patiemment transmis au cours des millénaires, tous ces biens, précieux entre tous, finissaient là en suspension, éparpillés dans l’atmosphère, dans les fumées et les cendres dont nous emplissions nos jeunes poumons. » C’est l’occasion d’un premier flashforward, signalé par un style de dessin « pastel » : Nous voyons le vieux Li d’aujourd’hui rendre visite à un villageois dans l’espoir de trouver de vieilles calligraphies ou peintures – sans succès. « Comme beaucoup, j’essaie d’éviter de trop regarder en arrière, de laisser la mémoire m’entraîner sur la pente du remords », commente-t-il.

Libres et heureux ?

Or, cette folie collective ne se contente pas de se retourner contre des objets ou contre le collectif lui-même. Lors de la Révolution culturelle, on s’attaque massivements aux individus désignés comme faisant partie des « cinq espèces noires », les propriétaires terriens, les réactionnaires etc. Au fil des vignettes, nous assistons à des « assemblées d’autocritique » et à l’affichage de « dazibao » dénonciateurs. Rapidement, cela dégénère en règlements de compte personnels. « [Les dazibao] constituaient probablement le moyen d’expression le plus libre, le plus ouvert jamais utilisé en Chine. Les dégâts furent considérables », constate amèrement l’auteur. Nouveau flashforward : Li rencontre Qibao, le camarade de lycée qui avait dénoncé les Li en tant qu’ex-famille de propriétaires terriens. Comme l’auteur, Qibao ne se souvient plus des détails des horreurs qu’ils avaient infligées, notamment contre la hiérarchie des enseignants.

Ainsi, un jour, le nom du père se retrouve sur un dazibao ; le lendemain soir, il revient tard, emballe quelques affaires et est embarqué pour une destination inconnue. Pendant que la Révolution culturelle culmine dans une sorte de guerre civile entre bandes rouges, la famille apprend que le père est dans un centre de rééducation pour cadres à la campagne. Paradoxalement, c’est le dévouement absolu à Mao qui permet de mettre fin au chaos. Fin 1968, celui-ci, appuyé par l’armée, déclare terminée la Révolution culturelle et envoie les gardes rouges à la campagne. Cependant, pendant des années encore le père reste emprisonné, Li et sa sœur subissent la dure vie de soldat respectivement de garde rouge en exil, tandis que la mère, restée seule, doit travailler jusqu’à l’épuisement dans un atelier de couture.

Quand, à la fin du premier tome, la mort de Mao est annoncée, Li, comme toute sa génération, est consterné. Il ne se rend pas compte que cela représente le début d’une ère nouvelle, plus heureuse, pour sa famille aussi bien que pour la Chine tout entière. Le rassemblement des soldats, leur effarement, la foule place Tiananmen lors de l’enterrement, le dessinateur les raconte en dessinant des horizons vides… donc ouverts.

Le père, lui, a bien compris. Du jour au lendemain, les prisonniers sont exemptés des travaux forcés, mais l’incertitude demeure. Ce n’est qu’avec l’arrestation de la « Bande des quatre » que la Chine met fin à dix années de chaos. « Bien malgré eux, ces quatre coupables-là sauvèrent ainsi la nation », analyse lucidement l’auteur, « et nous pûmes, tous les autres, en communion, quelles qu’aient été nos actions durant la Révolution culturelle, fêter dignement et sans retenue la fin du drame. » L’épisode de l’éloignement des membres de la famille et de l’espoir des retrouvailles est raconté de manière très réussie à travers un échange de lettres, puis de photos.

Rappelons que « Une vie chinoise » est l’histoire de Li Kunwu, dessinée par lui-même, mais que la dramatisation du scénario est surtout l’œuvre d’un Français : Philippe Ôtié, Autier de son vrai nom, est un homme d’affaires et un sinophile, sans expérience préalable dans la bédé. Lié d’amitié avec Li, Ôtié a su convaincre un éditeur et s’est chargé d’écrire les dialogues originaux. Désormais, après l’édition française et plusieurs traductions, le livre est paru en chinois. La collaboration franco-chinoise a sans doute permis à Li de dépasser le style de dessin journalistique qu’il pratiquait au « Quotidien du Yunnan » et de présenter sa biographie sous une forme qui convient aussi aux publics occidentaux.

Tout pour le parti, tout pour l’argent

L’amélioration du cadre politique chinois explique que l’intensité émotionnelle du premier tome ne se retrouve pas dans les deux autres. Leur intérêt est ailleurs. Ainsi, le second s’intitule « Le temps du parti » et tourne autour des tentatives du jeune Li de rejoindre le parti malgré le passé de sa famille. L’enchaînement des événements l’amène à dénoncer son meilleur ami parce que ce dernier a tenu des propos scabreux. Il est vrai que son père, désormais entièrement réhabilité, lui avait enjoint de faire passer le parti avant la famille et l’amitié . Et effectivement, dans un flashforward, Li assure à son propre fils qu’il n’éprouve aucun regret. De toute façon, son admission au parti assurée par ce moyen est promptement annulée, suite à une dénonciation venue d’autres « camarades ». Décidément, Li Kunwu ne lésine pas sur les moyens – s’exhiber comme salaud et arroseur arrosé – afin de nous faire comprendre les errances de sa génération.

Le récit de la vie de Li avance doucement, pendant que la situation de la Chine se détend. Premiers amours, apprentissage du dessin de propagande – désormais « libéré », rabâchage du nouvel évangile qu’est la pensée de Deng Xiaoping, c’est plaisant à suivre. À la fin du tome, c’est le père qui meurt – en paix, et sans renier son engagement au parti.

Le troisième tome, moins tourné vers le récit personnel que le deuxième, renoue au bout d’une vingtaine de pages avec la mise en scène de questions politiques. Li Kunwu, désormais journaliste, assiste au début des années 80 à une discussion dans une usine. Un des ouvriers affirme qu’on est « sur la bonne voie », mais d’autres redoutent que, dans le cadre de la réforme économique, on leur enlève leur « pot de fer ». Ce terme désigne la sécurité qu’apportait un emploi dans une grande unité de production étatique – logement, éducation, assurance maladie et retraite. Un troisième renchérit, singeant un ouvrier licencié qui se prosternerait devant un patron privé pour quémander un emploi. Le vieux Yu se fâche et se lance dans une tirade contre « les étrangers, les Japonais, les capitalistes » et tous ceux qu’on a combattus tout ce temps – « pour se retrouver maintenant à leur lécher les bottes ».

Si le sujet des perdants des réformes est récurrent dans ce tome, celui de la dépravation des mœurs l’est tout autant. Ainsi Li va aider un couple de ferrailleurs à faire valoir leurs droits face à un contremaître corrompu. Une centaine de pages plus loin, ses nouveaux amis ont fondé une chaîne de restaurants en pleine expansion. Après s’être lancés dans le commerce en achetant à bon prix ferraille et antiquités que les gens laissent derrière eux quand ils déménagent – autrement dit en profitant de la destruction des vieux quartiers de Kunming. Décidément, rien n’est simple.

Tiananmen, c’est compliqué

Corruption, prostitution, vanité du consumérisme, modernité qui écrase tout sur son passage, plus on relit la description que donne Li du 21e siècle chinois, moins on a l’impression qu’il la trouve entièrement à son goût. Même s’il souligne les aspects positifs – l’entreprise privée comme win-win pour tout le monde, les nouveaux immeubles plus confortables que les vieux quartiers – on sent que c’est la voix de la raison qui parle. La voix du cœur le pousse à revenir sur les laissés-pour-compte de la modernité, même si ce qui leur arrive est un peu de leur propre faute. L’auteur les dessine avec une certaine tendresse, alors que le monde froid des riches qu’il dépeint – même ceux qui sont généreux et honnêtes – ne l’enchante guère.

Un Chinois peut-il évoquer des sujets politiquement sensibles sans aller en prison ? Oui, est-on tenté de dire, à condition de terminer son discours à la manière de la trilogie de Li Kunwu, avec un beau gala de nouvel an célébrant la puissance de la nouvelle Chine et la fierté d’être Chinois. De toute façon, les critiques du régime chinois resteront sur leur faim. Le Tibet n’est pas évoqué du tout. Quant aux « événements du 6/4 » – en Occident on dit « massacre de Tiananmen » -, ils font l’objet d’une discussion entre Li Kunwu et Philippe Ôtié, scrupuleusement mise en images. Li explique que « la Chine a avant tout besoin d’ordre et de stabilité pour son développement », le reste étant secondaire. Ôtié, dans la préface, évoque les différends de ce type : « Nous avons dû chercher la ligne de crête, celle qui ne verse ni sur le flanc de la critique ni sur celui de la propagande. »

Faut-il s’intéresser aux albums que Li a publié en France après le succès de trilogie ? Oui, si on s’intéresse à la Chine et qu’on n’est pas rebuté par les grosses bulles pleines de texte. Son travail contraste avec les merveilles un peu kitsch du mainstream de la bédé chinoise traduite. La politique et l’histoire, voilà les sujets d’albums comme « Empreintes » et « Cicatrices ». Le premier réaffirme l’importance d’évaluer la Chine d’aujourd’hui à l’aune de son passé récent. Cela rappelle la propagande officielle – le pays doit rester uni, il faut revenir aux valeurs confucéennes et être fier de sa patrie -, mais Li n’omet pas de dépeindre les tares des cadres comme celles des gens du peuple.

Patriotique et pittoresque

Quant à l’album consacré aux « cicatrices » de la guerre de résistance contre le Japon – pour les Chinois, la Deuxième Guerre mondiale a commencé en 1937 – la moitié des pages est prise par des reproductions de photos d’époque, peu commentées. La présentation du conflit selon la ligne officielle chinoise est entrecoupée de discussions entre Chinois. Relevons la scène dans laquelle Li, après avoir visionné des photos, est tellement enragé qu’il casserait presque l’ordinateur – de marque japonaise -, tandis que dans la pièce d’à côté, sa femme se réjouit d’apprendre quelques mots de la langue de l’ancien envahisseur. Personnellement, je crains que je sois en désaccord sur de nombreux points avec quelqu’un comme Li Kunwu, tout comme je le suis avec les défenseurs bien intentionnés, mais aveugles, des discours politiques officiels occidentaux. Mais il reste un doute : y aurait-il un second degré qui m’échapperait, une dénonciation du positivisme politique et du bellicisme nationaliste à travers l’identification de l’auteur avec les discours officiels ?

Enfin, parmi les albums achetés après ma visite au Cernuschi, celui dont j’attendais le moins s’est révélé le plus attachant. Dans « La voie ferrée au-dessus des nuages », le passionné d’histoire qu’est Li Kunwu explore l’épopée de la construction du chemin de fer de Haïphong à Kunming il y a cent ans – une ligne qui traverse les montagnes du Sud du Yunnan et comporte de nombreux tunnels et ponts. Il tombe sur un livre avec des lettres et photos de Georges-Auguste Marbotte, expert-comptable à la compagnie de construction, racontant son aventure coloniale. Les nombreuses photos ont cette fois-ci été redessinées par Li et sont copieusement commentées. Il est amusant pour le lecteur occidental qui s’est frotté à des textes d’auteurs chinois de voir Li tenter de se mettre dans la peau de Marbotte : en somme, on observe un Chinois observant un Occidental en train d’observer la Chine. Surtout, on retrouve le dessinateur amoureux de la Chine ancienne, des gens simples et des paysages magnifiques du Yunnan. Il y a de quoi être fier, Monsieur Li !

Une Vie chinoise, Li Kunwu et Philippe Ôtié, Kana 2009-2010


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