CENTRE CULTUREL PORTUGAIS: L’institut sans tête

Au début du mois de mars, le Centre culturel portugais-Institut Cam±es annonçait le départ de son directeur, Luis Gaiv°o. Depuis, cette affaire ne cesse de faire des vagues dans la mare culturelle.

„C’est vrai que nous aurions bien aimés être consultés, ou, tout au moins informés dans cette affaire“, déclare la sécrétaire d’Etat à la culture, Octavie Modert, „car, après tout, le gouvernement luxembourgeois paie une bonne partie des frais de l’Institut.“ En début mars Diogo Freitas de Amaral, ministre d’Etat et des Affaires étrangères a mis fin au contrat de Luis Gaiv°o, qui devrait pourtant ne pas toucher à son écheance avant la fin 2007. Si cette décision abrupte n’a pas provoqué d’incident diplomatique, elle peut toutefois laisser pantois. Surtout quand on sait que le travail du directeur du centre culturel portugais et attaché culturel était largement apprécié et par la communauté elle-même et par les autorités luxembourgeoises.

Le Centre culturel portugais-Institut Cam±es (CCPIC) est né en mars 1999 d’un commun effort du Luxembourg et du Portugal. A l’époque, le premier ministre Jean-Claude Juncker et son homologue portugais du moment Antonio Guterres inaugurèrent le CCPIC en tenant de beaux discours sur l’amitié inoxydable qui liait, et lie toujours, les deux pays. Depuis, le centre a excellé par une programmation culturelle qui mêlait conférences et expostions, concerts et spectacles, toujours dans le double souci de présenter la diversité et la richesse de la culture portugaise aux étrangers de leur terre d’acceuil et de donner un point de référence aux immigrés.

Quelles sont donc les raisons de ce renvoi inopiné? „Clairement, c’est une affaire de carte de parti,“ s’exclame Eduardo Dias, conseiller syndical (OGBL) du département immigrés, et de renchérir, „les dirigeants politiques portugais n’ont pas perdu la mauvaise habitude, qui date du temps du fascisme, de prendre des décisions unilatérales et à l’insu de tous.“ En effet, le directeur Luis Gaiv°o a su son renvoi par la presse. Ce n’est que le jour après qu’il a reçu le télégramme officiel confirmant la décision prise par le ministère. „Et il n’est pas le seul,“ poursuit Dias, „au total 39 personnes ont été démises de leurs fonctions de la même façon totalement inappropriée. Par exemple, l’attaché social aux Pays-Bas, dont le travail était important car l’esclavage sous forme de travail au noir existe toujours là-bas.“ Le ministre d’Etat et des Affaires étrangères, interrogé par le parlement portugais au sujet de ces licenciements, aurait parlé de décisions à motif financier. Ce qui est, pour Eduardo Dias, le comble de l’absurdité. „Car Luis Gaiv°o, dont j’apprécie beaucoup le travail qu’il a pu réaliser, est et reste un fonctionnaire payé par l’Etat. Il vient de récupérer son poste de professeur d’histoire à l’université de Coïmbra. On n’épargne rien en le déméttant de ses fonctions. Son seul tort est de ne pas pouvoir se défendre contre la machine politique au pouvoir en ce moment.“ Et de promettre des piquets de protestation lors de la prochaine visite du ministre. „Nous le ferons tomber, il ne pourra pas tenir longtemps sa position de ministre s’il continue de cette manière,“ ajoute-t-il.

Le futur du CCPIC n’est pas rose. Les projets de l’année courante, initiés par Luis Gaiv°o sont maintenus. Quant à ceux de l’année 2007, lorsque le Luxembourg sera capitale culturelle européenne avec, de surcroît, un point fort sur les migrations, les choses sont un peu moins sûres. „Pour l’instant l’Institut Cam±es de Lisbonne n’a pas encore approuvé le budget pour 2007,“ assure Denise Cruz du CCPIC au Luxembourg, tout en ajoutant qu’en aucun cas le centre ne va fermer ses portes. Ce qui est bon à savoir, mais ne règle pas les problèmes d’une institution littéralement décapitée. Selon Eduardo Dias, le CCPIC est administré provisoirement par un nouveau directeur qui siège à Bruxelles, et dont on n’aurait pas entendu grand chose depuis qu’il a pris sa position. „Une situation intenable, car la communauté portugaise est beaucoup plus importante au Luxembourg qu’à Bruxelles“, estime le syndicaliste. Il n’est donc pas dit que la communauté étrangère la plus importante du Grand-Duché sera représentée de façon adéquate au grand carnaval culturel que sera 2007.

Mais le CCPIC orphelin revèle d’autres problèmes, qui dépassent le niveau culturel. A savoir la diplomatie et surtout la finance. Dans le cadre d’une question parlementaire, la députée socialiste Claudia Dall’Agnol voulait savoir ce qu’il en était de l’appui futur du gouvernement luxembourgeois au CCPIC, surtout en considérant la manière tout au moins impolie de procéder de la part de leurs homologues et partenaires au Portugal. En effet le gouvernement assure le loyer pour les installations depuis les débuts du centre, qui est de 58.000 euros par an, et de plus sponsorise certaines de ses activités. Pour Dall’Agnol sa question n’est pas une affaire de pure forme, mais relève d’un vrai lapsus dans la communication inter-étatique et la coopération.

Selon la sécrétaire d’Etat Octavie Modert, la volonté de l’Etat luxembourgeois d’appuyer les activités du CCPIC reste inaltérable. Mais elle met un bémol en disant que le détail des financements futurs pourrait aussi dépendre de l’attitude des responsables portugais.

A eux de jouer donc.


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