Les ciné-conférences d'“Exploration du Monde“ étaient sur le point de tomber en désuétude. Une nouvelle formule essaie de les propulser au XXIe siècle.
Certain-e-s d’entre nous s’en souviennent peut-être. De ces longues soirées passées dans les théâtres, non pas pour voir une pièce mais „pour s’instruire“, comme disaient les parents. Le résultat fût souvent fort ennuyant. Un „conférencier-aventurier“ à moitié endormi commentait des images parfois vacillantes dans des salles à moitié vides. La salle désertait au plus tard à la question: „Est-ce que quelqu’un a encore des questions?“. Pas étonnant que la majorité de la clientèle a commencé à préférer regarder des documentaires à la télévision ou – plus tard encore – ses propres explorations sur internet.
Dans les années 50, quand commençait l’aventure exploration du monde, les ciné- conférences étaient souvent le seul moyen de voyager sans quitter la ville. Les ciné- conférenciers étaient encore considérés comme des vrais aventuriers, surtout parce que les endroits d’où venaient les images semblaient encore inaccessibles. Mais à l’époque du multimédia et du tourisme de masse, la donne a changée.
L'“Exploration du Monde“ aussi. „La nouvelle formule ne se permet plus de se limiter à la découverte de la nature. Nous devons répondre à un nouveau niveau d’exigence, pour enfin quitter l’image de carte postale qui nous collait dessus depuis longtemps“, raconte Philippe Soreil, l’administrateur délégué qui a repris les rènes de l’association „Exploration du Monde“ en 2000, en la reprenant de l’association des arts et de la culture (Adac). La nouvelle équipe exige des cinéastes qui veulent profiter de leurs réseaux une qualité de films au-delà de la moyenne. „Un film ‚Exploration du Monde‘ a une carrière d’une saison, ce qui ne suffit pas à amortir ses coûts – ni ceux des producteurs, ni les nôtres – c’est pourquoi nous envisageons aussi une expansion vers la France, le Québec et des pays francophones africains“, explique-t-il. Dans le cas idéal, un tel film pourrait tourner jusqu’à quatre ou cinq ans.
Point de vue contenu, les exigences ont aussi changés. Non que „Exploration du Monde“ s’intéresse à devenir un club politique qui montre des films sur les dangers de la mondialisation, mais le point de vue socio-culturel est devenu plus important aux yeux des programmateurs. „Nous ne nous fermons pas à des réflexions de type politique, car de toute façon c’est inévitable. Le problème est que si un film tourne pendant des années, un contenu entièrement axé sur un point de vue politique risque d’être rapidement dépassé par les événements“, constate Soreil.
Plus-value humaine
C’est pourquoi „Exploration du Monde“ mettra davantage l’accent sur la personnalité des cinéastes qui accompagnent leur film tout au long de la tournée dans les salles belges et luxembourgeoises. „Nous sommes très exigeants là-dessus“, rappelle Soreil, „car le public remarque instantanément quand le conteur ne s’intéresse pas vraiment à ce qu’il fait. Nous n’engageons que des gens passionnés par ce qu’ils font et qui disposent de qualités de conteur.“ Ce qui est rare, mais pas tout à fait impossible. Par exemple Jérôme Maison, qui partira en tournée avec son film „Des Manchots et des Hommes“ à la saison prochaine. Maison a été un de deux caméraman de l’équipe de „La Marche de l’Empereur“ – qui a été un grand succès dans les cinémas partout dans le monde. Son film est fait de matériel qui vient du tournage du cinéfilm, mais à la grande différence avec ce dernier il s’intéresse aux relations entre les manchots et les hommes pendant le tournage. Un film qui prend donc à contre-pied „La Marche de l’Empereur“, une fiction contituée d’un mé- lange entre images réelles et synchronisations à voix humaines. Dans le film de Maison, c’est l’histoire de la relation entre les deux caméraman et la colonie de manchots qui prime.
„Ce que nous voulons partager avec notre public, ce n’est plus l’aventure en tant que fin en soi. Cette notion d’aventure est surannée. Aujourd’hui cela sert surtout de support pour quelque chose d’autre. Cela est dû aussi au fait que la notion d’exploit a disparu. Qui veut voir aujourd’hui encore, la énième ascension du Mont Everest?“, demande Soreil. Et de constater que le véritable exploit de nos jours est celui de la découverte de soi-même dans l’aventure. „Il faut que la personne qui présente son film ait une personnalité forte. Nous ne voulons surtout pas de gens qui se tapent des conférences dans une logique mercantile. Ceux qui ne veulent qu’entrer dans nos réseaux pour amortir leurs frais n’ont plus aucune chance“, insiste-t-il.
Un programme ambitieux qu'“Exploration du Monde“ s’est donné, surtout si on compte le faible intérêt du public pour un genre de spectacle qui convenait mieux à l’époque pré-télévisuelle. Mais Philippe Soreil ne désespère pas:“
Nous avons un public fidélisé et nous comptons sur celui-ci pour faire du bouche-à-oreille et pour faire connaître nos nouvelles programmations“. Surtout que l’association „Exploration du Monde“ avait dû mettre la clé sous le paillasson en 2000, avant d’être reprise par Soreil et quelques amis et transformée en société privée et donc aussi privée de subventions. „Après quelques saisons qui ne se sont pas passées au mieux, nous commençons tout de même à voir une lumière au bout du tunnel“, raconte-t-il. „Nous essayons à chaque fois de faire un peu plus pour que le public ait toujours la possibilité de rencontrer les cinéastes et de partager leur aventure“.