« Mangia Mina » – la nouvelle exposition de Claudia Passeri à la galerie « Nei Liicht » – déconstruit nos rapports complexes au monde du travail.
Comme vernissage, on a déjà vu plus gai. Mais il faut dire que, le samedi 14 novembre au matin, l’heure n’était pas à la fête – même si une bonne partie du « Who is Who » culturel avait trouvé le chemin du brunch offert pour l’ouverture de l’exposition de Claudia Passeri.
Il faut aussi constater que les murs blancs et les travaux – faussement – plats de l’artiste avaient quelque chose de calmant et absorbaient les vagues d’hystérie qui se propageaient dans le nouveau monde post-13 novembre.
L’art de Claudia Passeri consiste en la fabrication d’objets apparemment simples, qui pourtant mettent en évidence la complexité du monde et des rapports que nous entretenons avec lui. Ainsi, la série de photographies « Subore » : à première vue des plis dans de l’étoffe colorée, les images prennent tout leur sens quand on sait qu’il s’agit d’aisselles de chemises de banquiers avec des taches de suie. Et dans ces taches, Claudia Passeri a monté des photographies d’ouragans et de typhons. Ainsi, les taches de suie sont mises en rapport avec les tempêtes que le travail des banquiers peut causer dans le monde.
Une autre facette se trouve dans le nom de l’exposition, « Mangia Mina » : littéralement « mangeur de mine », c’était le sobriquet dont on affublait les mineurs trop zélés – les stakhanovistes capitalistes donc – à l’époque industrielle. Celle-ci est avant tout présente dans le travail in situ de Claudia Passeri, sur une statue d’ouvrier qui se trouve dans le parc de la galerie « Nei Liicht », commandée par l’État luxembourgeois pour représenter le pays à l’exposition universelle de New York en 1939 – une année « non anodine », comme le précisent les notes de l’artiste. À nos yeux contemporains, cette statue est, esthétiquement parlant, une horreur évoquant le réalisme socialiste et le stalinisme. Même si elle a été conçue pour un pays capitaliste.
Cela montre comment, à cette époque, les esthétiques et les comportements (les mangeurs de mine) pouvaient être similaires. Mais l’artiste y ajoute encore une couche en montrant des vues partielles de la partie face de la statue et en les conjuguant avec une vue arrière. Le contraste entre le visage ferme et déterminé et l’arrière ayant souffert des outrages du temps illustre en même temps l’état de la mémoire qu’on a de nos jours de ce monde ouvrier englouti : partielle, partiale même parfois et souvent en mauvais état – surtout concernant les luttes sociales menées en ces temps instables.
La pièce centrale de l’exposition prend appui sur cette statue et sur l’exposition universelle de 1939 : c’est « Time and Sweat », une installation sonore et textuelle sur un texte de Pietro Gaglianò, artiste performeur italien. L’œuvre fait le tour des différentes temporalités dans lequel le monde vit et des changements qui les accompagnent. Il y a bien sûr le temps du travail, celui de l’usine, celui de la finance, celui des règles ou encore le temps élastique.
En tout, une exposition pas vraiment spectaculaire – ce qui n’est pas forcément un désavantage -, mais profonde et intelligente, mêlant les approches politique, esthétique et formelle de l’art contemporain.
À la galerie « Nei Liicht », jusqu’au 19 décembre.
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