Art multidisciplinaire : Best of Claudia

Avec « Prima figlia femmina », l’artiste Claudia Passeri clôture une année de tous les défis avec sa première exposition personnelle à la galerie Nosbaum & Reding – et invite à découvrir ses multiples expressions.

Au Luxembourg, Claudia Passeri n’a pas seulement pris ses marques, mais en a aussi laissé. Comme la fresque monumentale sur la nouvelle façade de la Chambre des salariés, sur laquelle elle a fait inscrire ces mots aussi simples qu’efficaces : « Sous le haut patronage de nous-mêmes », signifiant par là la volonté d’indépendance et l’esprit rebelle qui habite – ou devrait habiter – ces murs. On n’est pas loin d’un « Ni Dieu ni maître », mais sans le pathétisme qui a recouvert ce slogan depuis qu’il a été créé par Auguste Blanqui en 1880 dans son journal éponyme.

Mais elle sait aussi faire plus subtil, comme la sculpture lumineuse « Karl Cobain » qui flotte au-dessus du restaurant-bistrot du Casino, toujours désert en ce moment. C’est que Claudia Passeri est certes une artiste engagée, avec ses convictions de gauche – ce dont elle ne se cache pas –, mais son art ne se reflète pas dans des slogans et des mises en scène. Rien de symbolique qui se consomme vite et au premier degré. Son art est à des kilomètres de celui d’un Filip Markiewicz par exemple, dont chaque expression est aussi un show.

Chez elle, il faut chercher le sens profond qui se cache dans les objets qu’elle crée. Chacun de ces derniers comporte un contexte qui fait de lui une petite machine à produire du sens ; une petite fontaine qui ne s’écoule que quand on tend l’oreille vraiment près. Ainsi, déjà, « Campetto » : à première vue, c’est une photo en noir et blanc d’un champ, recouvert partiellement de linge. Mais quand on sait que ce champ appartient à sa famille à Scheggia e Pascelupo dans la province de Pérouse en Ombrie et que les linges sont issus du trousseau de mariage que sa grand-mère avait fabriqué pour elle, cette image apparemment banale prend un sens tout à fait différent et plus personnel. La dot étendue et exposée en pleine nature pose la question du sens de la transmission de nos jours. Celle-ci permet-elle une évolution vers plus de bonheur et plus de liberté, ou non ?

Beaucoup des œuvres de Claudia Passeri ont des origines personnelles et autobiographiques, mais elle réussit toujours à les penser de façon à ce qu’elles fonctionnent ouvertement. Comme les vitraux exposés dans la galerie : les formes coloriées en vert et en brun clair ne s’ouvrent à nos sens que si nous savons qu’il s’agit de dessins topographiques – aussi autour du lieu d’origine et de résidence de l’artiste en Italie. Les sanctifier en les mettant sur des vitraux tout en leur enlevant leur sens premier – celui de savoir à qui les lopins de terre appartiennent – pose aussi la question de la propriété, ainsi que celle de la place de celle-ci dans nos sociétés.

Le seul néon de l’exposition reprend le mot « Peccato » et joue sur son double sens en italien : d’un côté le péché, de l’autre, dans le langage quotidien, « tant pis ». Un seul mot qui contient deux univers opposés, mais qui par la neutralité de l’installation demande au public de se confronter, de se frotter à l’étendue sémantique de l’installation.

Bref, Claudia Passeri a l’habitude de magnifier des détails qui se sont ouverts à elle et de les partager ensuite en les introduisant dans sa pratique artistique. Dans partage, il y a aussi art. Et c’est bien ainsi.

Jusqu’au 22 février à la galerie 
Nosbaum & Reding.

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