Pas de chefs-d’œuvre célèbres dans l’exposition « Picasso et les animaux » au Cercle Cité, mais des pièces fascinantes qui mettent en lumière une production moins connue du prolifique artiste espagnol.
Lorsque Pablo Picasso rencontre, en 1946, Suzanne Ramié de la poterie Madoura, il n’est pas un nouveau venu dans le domaine de la céramique. Mais cette visite des ateliers situés à Vallauris, dans le sud de la France, va marquer le début d’une période où il se consacrera quasi exclusivement à cet art. Fin 1948, il aura déjà signé 2.000 pièces. Puis il reprendra sporadiquement cette activité jusqu’en 1971, produisant au total environ 4.000 œuvres.
C’est à un panorama de cette abondante production que le Cercle Cité convie. Avec les animaux comme fil conducteur, l’exposition est réduite mais plutôt dense : il s’agit en effet de montrer à la fois les relations nombreuses entre la production graphique du maître espagnol et ses réalisations céramiques, tout en approfondissant la connaissance de son processus créatif.
D’emblée, on constate la diversité des supports, qui vont des assiettes aux plats, des tomettes (carreaux de sol) aux vases à anses traditionnels, en passant par des formes spécialement créées par Picasso. Généralement peintes à l’engobe, un mélange d’argile et d’eau coloré par des oxydes, les céramiques exposées frappent par leur style reconnaissable entre tous. Déjà estimé à l’époque, l’artiste a encore étendu le cercle de ses collectionneurs en « démocratisant » certaines pièces : 633 ont été produites en série dans les ateliers de Vallauris. Au fil du temps, certains ont même eu la surprise de se voir heureux propriétaires d’un Picasso… ou du moins d’une œuvre conçue par le maître et reproduite d’après un moule par d’habiles artisans.
Fin connaisseur de la signification symbolique de chaque espèce vivante, Picasso a introduit dans son travail sur la céramique les allégories animales déjà exploitées dans son œuvre graphique. Tout d’abord, le taureau : animal fétiche de l’artiste par excellence, c’est lui qui entre autres le lie indéfectiblement à son pays à travers la fascination de la corrida. Rappelée dans l’exposition par plusieurs lithographies, la production graphique de Picasso abonde en représentations de cet animal. Ici, on peut admirer des plats et des assiettes ornés de scènes de tauromachie et constater l’unité de style entre techniques pourtant différentes.
Chouettes et hiboux sont également nombreux dans les objets exposés. Symboles de sagesse et dotés d’une vue perçante que le peintre se doit de posséder, ils sont ici déclinés en plat, cruchon et tomette, ainsi qu’en vase zoomorphe. C’est d’ailleurs cette dernière technique qui permet à Picasso d’emmener son art céramique à son sommet, puisqu’il crée lui-même la forme de son récipient avant de le peindre. Pour compléter l’information sur le cheminement vers l’œuvre, les commissaires ont eu la bonne idée d’ajouter les esquisses qui ont conduit au façonnage d’un vase zoomorphe de chouette exposé.
On rencontrera aussi dans les vitrines des chèvres (l’animal de compagnie préféré de l’artiste), des poissons, des faunes, des canards ou des colombes. Toujours dans l’optique d’illustrer le processus créatif, des photos de David Duncan montrent également l’artiste au travail dans son atelier… lors du moulage d’arêtes de poisson dans l’argile. De taille modeste, cette exposition apporte pourtant un éclairage considérable sur l’incursion de Picasso dans un art classé comme mineur.
Jusqu’au 15 janvier 2017 au Cercle Cité.
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