Dans l’intimité du rez-de-chaussée du Casino et de deux salles consacrées à cette exposition surprenante, les œuvres de Germaine Hoffmann mettent en question notre relation au temps et à la forme.
Directement à droite, à côté de la réception, cinq vastes panneaux captent la lumière diffuse des baies vitrées et dégagent, en couleurs mêlées, les formes variantes rebelles des premières œuvres de l’exposition. Nommées « Palette Tryout », elles jouent bien le rôle de tentatives, en ceci qu’elles forcent le spectateur à deviner au-delà des impressions immédiates. Or, voilà bien le ton général de l’exposition, suggérer sans montrer. Il appartient à chacun-e de laisser ses yeux vagabonder au gré de ces silhouettes intrigantes qui occupent une place de choix dans le hall.
Mais ce n’est qu’une fois qu’on est engagé dans l’étroit couloir menant à la première salle que le travail de Germaine Hoffmann dévoile autre chose. Le contact devient ici très intime, très proche, quasiment tactile. « Le naufragé » et « Fermeture éclair » occupent les murs à des angles très rapprochés, et l’ambiance tamisée permet au regard d’oser franchement dévisager l’œuvre. Puis c’est la première salle. Il convient ici de saluer la très judicieuse disposition des œuvres, ainsi que leur parfaite et harmonieuse adaptation dans le cadre du Casino. On entre en terrain inconnu, et les collages, graffitis et peintures envahissent l’espace autour du visiteur. La réflexion autour d’une appropriation plus immédiate du travail artistique est un vrai plus, tant on a plaisir à en devenir familier, le temps d’une visite. En forçant un peu le regard, la pièce finit par disparaître et laisse les œuvres rayonner dans leurs couleurs si singulières.
Car au-delà des silhouettes, visages et écritures que l’on distingue autour, la palette de Germaine Hoffmann est d’un vrai brio. C’est toute une déclinaison de couleurs peu fréquentes qui viennent habiter ces silhouettes évanescentes : le fauve, le bordeaux, le mauve, tout semble jouer une note en dessous, comme pour en finir avec les traditions plus nettes de couleurs que l’on voit partout. Ici, tout a l’air neuf. Une œuvre en particulier occupe une place de choix. Il s’agit d’un ensemble de visages, silhouettes et formes incertaines qui ondulent et paraissent se répondre. Ces quinze cadres dénotent un travail unique sur ces formes savamment creuses pleinement occupées par leur halo de lumière, par ces éclairs de pourpre, de bleu et d’ombres.
Cette salle noire est aussi un lieu de rendez-vous manqués. Les œuvres « Graffiti » et « Joker » contiennent nombre de messages incomplets ou incohérents, dans une multitude de langues. Il est difficile de suivre les fils d’Ariane, les lettres et les phrases, qui semblent toutes et tous mener à une impasse. Le travail sur la signification des mots accompagne celui sur les couleurs et les formes. C’est là, peut-être, que réside toute la force de l’exposition. Le public oscille sans cesse entre le connu et l’inconnu, le familier et l’étrange. Un visage, ici, paraît nous rappeler quelqu’un-e, tandis qu’un message, là, fait écho à nos souvenirs. En multipliant les formes, les supports et les techniques plastiques, Germaine Hoffmann multiplie les horizons.
La dernière salle, plus lumineuse, est envahie par de curieuses installations plus imposantes, dont certaines montent même jusqu’au plafond. Cette « Salle blanche » est moins évidente, plus complexe, et peut-être parce qu’elle accueille justement l’œuvre qui a donné son titre à l’exposition, « Die Zeit ist ein gieriger Hund », elle laisse le spectateur dans un doute plus profond. Un rendez-vous intrigant au Casino, donc, pour qui aime perdre tous ses repères !
Au Casino Luxembourg, jusqu’au 29 novembre 2020.
Das könnte Sie auch interessieren:
- Arts pluriels : Surréel, vous avez dit surréel ?
- Ausstellung „Xanti Schawinsky: Play, Life, Illusion – a Retrospective“: Von Spektakeln und Steppmaschinen
- Kunstausstellung: Bilder einer finanziellen Alternative
- « Des rues de Lisbonne au Luxembourg » : suivez le guide avec le woxx
- Kunstausstellung „My Last Will“: Mein Wille geschehe