Cour des comptes : Le côté obscur reste

La résistance de la Banque centrale du Luxembourg (BCL) à un contrôle par la Cour des comptes reste en place – grâce aussi au Conseil d’État.

1375logo-luxembourg_02L’avis que le Conseil d’État vient d’émettre ce 7 juin sur une proposition de loi que l’alors députée libérale Anne Brasseur – depuis devenue présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – avait déposée en décembre 2012 pourrait passer inaperçu. Mais en fait, il en dit long sur la culture du secret qui reste une des traditions les plus défendues par la place financière et la classe politique.

Il s’agit en fait d’un vieux litige entre la BCL et la Cour des comptes. En 2006, la commission parlementaire du contrôle de l’exécution budgétaire avait chargé la Cour des comptes de contrôler la BCL. À l’époque, les députés s’étaient inspirés d’un rapport analogue fait par la Cour des comptes française sur la Banque centrale de l’Hexagone. Mais les contrôleurs de la Cour des comptes grand-ducale s’étaient heurtés à un refus de la BCL. La BCL estimait en effet qu’elle ne se trouvait pas dans le « champ de contrôle » de la Cour et que par conséquent celle-ci n’était pas en droit de la contrôler. Une réponse que la Cour des comptes a à son tour commentée dans un avis en juin 2007 – où elle constate qu’il faudrait un changement à la loi de 1999 qui organise ses attributions. Cela afin de procéder enfin à l’extension du champ de contrôle, qui pourrait englober la BCL et d’autres institutions qui jusque-là lui échappent.

Pour comprendre pourquoi ce champ de contrôle connaît des limites, il faut remonter à l’avis du Conseil d’État sur la loi de 1999 – qui proposait ces restrictions, argumentant en outre que trop de contrôle risquerait de mener à un « blocage des services publics » d’un côté et de l’autre qu’il ne conviendrait pas de soumettre à la Cour des comptes le contrôle d’organismes qui de toute façon serait déjà « confié (…) à d’autres organismes publics ».

C’est aussi à cause de cette argumentation que la BCL a échappé à toute inspection jusqu’ici. Et ce malgré le fait que dans la plupart de nos pays voisins un tel contrôle est bel et bien pratiqué : en France, comme on l’a vu, mais aussi en Allemagne et même en Angleterre, de telles procédures sont de mise ou du moins en chantier. C’est pour en finir avec cette exception que la proposition de loi numéro 6509 avait été déposée par Anne Brasseur. Après le changement de gouvernement, ce papier n’a pas atterri dans les tiroirs, mais a été maintenu – avec même l’aval des conservateurs.

Extension du domaine du contrôle

Pourtant, il se pourrait que ce soit encore une fois le Conseil d’État qui freine les ardeurs des contrôleurs de la Cour des comptes et des parlementaires siégeant dans la commission du contrôle de l’exécution budgétaire. Car, s’il semble suivre en grande partie l’auteure de la proposition de loi, il émet quelques réserves sur des points de détail. Ainsi, le contrôle de la BCL par la Cour des comptes ne devrait en aucun cas être « redondant » avec ceux pratiqués par des auditeurs externes. En d’autres mots, la Cour des comptes ne devrait pas s’aventurer sur le terrain des « Big Four ». Et surtout, « la Cour des comptes devra en tout état de cause prendre en compte les spécificités et les contraintes des personnes morales de droit public soumises à son contrôle, comme par exemple les contraintes liées à la politique monétaire européenne s’imposant à la BCL ». Ce qui veut dire qu’elle n’aura pas le droit de fouiner dans la politique monétaire, qui est pourtant un des piliers de l’action de la BCL. C’est comme toujours : la transparence oui, mais pas trop.


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