Dans les salles : Le chemin du bonheur

Exorciser les démons du passé et s’engager vers « Le chemin du bonheur », c’est la proposition cinématographique d’une nouvelle coproduction luxembourgeoise. Avec beaucoup de sincérité et une mise en images moins convaincante.

Du cinéma dans le cinéma : l’amour est plus beau près d’un projecteur… (Photos : Iris productions)

À l’origine du film se trouve un roman : « Le cinéma de Saül Birnbaum », d’Henri Roanne-Rosenblatt – un passionné de cinéma très impliqué dans la Cinémathèque belge et un temps administrateur du Film Fund Luxembourg. L’adaptation cinématographique, à laquelle l’auteur a participé, présente Saül, envoyé dans son enfance depuis sa Vienne natale jusqu’en Belgique, échappant ainsi à la Shoah. Le désormais quinquagénaire tient à Bruxelles un « delicatessen » où les quiz sur le cinéma abondent et où un culte est rendu à toutes les vedettes du grand écran. Mais sa joie de vivre apparente lorsqu’il est en présence de sa clientèle se fissure le soir, lorsqu’il est seul chez lui avec ses souvenirs et le portrait de sa mère qu’il n’a jamais revue. La rencontre avec Hannah, une projectionniste traumatisée aussi par les exactions du Troisième Reich sera (ou pas) son « Chemin du bonheur ».

Dans ce film, on sent une envie folle de mettre en valeur le septième art. Saül (incarné par un Simon ­Abkarian en belle forme) déclame des répliques cultes en langue originale, tandis qu’il séduit l’énigmatique Hannah (bien interprétée par Pascale Arbillot) en lui servant des dialogues de cinéma, le tout allant de « Casablanca » aux « Bronzés ». Et puis il y a le film dans le film : Joakin, un jeune étudiant chilien, se met en tête de raconter sur grand écran l’histoire de Saül. Techniquement, les flash-back sont donc un autre film, celui réalisé par Joakin, où Saül devient David. Alors qu’il s’agit de l’histoire romancée d’Henri Roanne-Rosenblatt, pour rappel.

Si la structure est par conséquent plutôt bien pensée, il en va autrement de sa mise en œuvre. D’abord, l’accumulation de références cinématographiques, amusante au début, finit par lasser par sa répétition. En effet, elle se fait finalement au détriment de l’approfondissement de l’intrigue ou des personnages : à part les flash-back, les scènes exploitent souvent l’entrée d’un ou d’une protagoniste dans le restaurant, dans un procédé et un décor qui ressemblent à la série télévisée « Happy Days ». Peut-être est-ce voulu ; l’impression est néanmoins de regarder un feuilleton plutôt qu’un long métrage où le potentiel du cinéma se déploie.

… et les pitreries plus espiègles dans un flash-back.

André Jung attachant

Ensuite, il y a comme une gêne dans la mise en abyme. « Encore la guerre… les Juifs… », dit le critique de cinéma à qui est présentée la première mouture du scénario de Joakin sur la vie de Saül. Et quand le film est projeté à la presse, les critiques quittent la salle avant la fin, se plaignant de voir à nouveau une œuvre sur la Shoah… alors que le jeune Joakin recevra la Caméra d’or à Cannes. Est-ce pour donner mauvaise conscience au public qui ne goûtera pas le film, ou bien une sorte d’auto-ironie ? Difficile à dire. Toujours est-il que le procédé, qu’on imagine fonctionner dans le roman, est ici délicat à interpréter et peut-être trop appuyé.

L’histoire d’amour entre Saül et Hannah est, elle, assez émouvante, portée par le poids de l’histoire et l’alchimie réelle entre Simon Abkarian et Pascale Arbillot. Le reste de la distribution fait son boulot, entre guest stars renommées et comédiennes et comédiens du grand-duché, coproduction oblige. Toutefois, on peut y distinguer André Jung, qui sait rendre son rôle d’associé du delicatessen, avec les pieds résolument sur terre, vraiment attachant.

On trouve en somme dans « Le chemin du bonheur » une réelle passion pour le cinéma, une intention louable et une structure imaginée comme adéquate. Dommage que la passion l’emporte au point d’en faire trop et qu’une réalisation trop neutre ne sublime pas cette histoire au demeurant intéressante. Peut-être les compromis inhérents à une coproduction belgo-franco-luxembourgeoise ont-ils pesé (le delicatessen du roman se trouve à New York). En tout cas, pour un tel sujet, sur lequel nombre d’œuvres marquantes restent dans les mémoires, il aurait fallu un souffle plus puissant.

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