Le collectif Cueva s’est récemment trouvé un nouveau lieu pour laisser libre cours à la créativité de ses artistes : l’ancien dépôt d’un grand magasin d’électroménager a été transformé en musée éphémère.
La rue des Jardins n’est pas la plus connue ni la plus courue de la ville d’Esch-sur-Alzette. Malgré quelques belles vieilles maisons qu’on trouve du côté de son croisement avec l’avenue de la Gare, elle devient assez vite le décor parfait pour un film d’horreur, policier ou d’action – avec ses lampadaires qui pendent au milieu de la rue et ses façades ternes de dépôts des grands magasins de la rue de l’Alzette qui court en parallèle. Voilà donc l’occasion d’explorer cette rue, que les habitant-e-s de la ville utilisent plutôt comme un raccourci.
Pour celles et ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de visiter une exposition du collectif Cueva, le principe est très simple : donner une carte blanche collective à un maximum d’artistes dans un espace qui va disparaître prochainement, et qui pourra donc être modifié et modelé selon les idées des têtes créatives. Cette façon de procéder permet aussi de s’affranchir d’un bon nombre de règles et de conformismes qui souvent contiennent les élans de créativité – ici, chacun-e peut faire à sa guise, les artistes comme les visiteurs-euses.
La panoplie des 55 artistes est bien trop énorme pour la décrire dans un article. Dans « Aal Esch », on trouve de tout : de l’humour potache avec l’installation d’Anne Lindner, qui a mis en place un « Game of Thrones » version chiottes, en passant par des installations vidéo plus ou moins réussies, à des grandes œuvres d’art comme la statue de Vince Arty au deuxième étage du bâtiment, qui a bien mérité sa pièce à part. Bref, les trois étages reflètent l’état actuel de la scène artistique du Luxembourg, mieux qu’une exposition organisée par le ministère ou par une institution. Et cela pas uniquement à cause de la masse d’artistes exposé-e-s, mais aussi grâce à la liberté avec laquelle ces derniers-ères peuvent agir. Le travail in situ sans entraves libère aussi des idées créatives. Et finalement, le format a non seulement l’avantage de créer des liens solidaires entre les artistes qui participent à cette folle création collective, mais aussi celui d’attirer un public qui d’habitude ne mettrait pas les pieds dans un musée.
C’est l’atmosphère décontractée qui permet d’échapper à l’entre-soi de la scène culturelle et d’enfin toucher des gens peu réceptifs aux discours élitistes. Pouvoir se balader dans une exposition avec une bière à la main – qu’on peut acheter contre un petit don à l’entrée –, flâner où l’on veut sans être suivi par une horde de gardien-ne-s irascibles ou encore discuter avec l’artiste en live devant ses œuvres sont des atouts qu’aucun autre musée ne saurait procurer. En fait, au lieu d’aller exposer ses belles pièces chez Vuitton et de dépenser des fortunes dans le marketing et le branding, le Mudam ferait mieux de s’inspirer de Cueva pour se défaire de son image néfaste.
Sinon, « Aal Esch » démontre aussi que le concept lancé il y a quelques années fonctionne de mieux en mieux et que le cercle d’artistes attiré-e-s par ce concept grandit toujours. Si même tous les m’as-tu-vu de la politique locale se pointent au vernissage, malgré le deuil national qui a été à l’origine d’une série d’annulations et de reports d’événements culturels, et que malgré tout ce même vernissage garde son bon goût de fête populaire, cela veut dire que Cueva réussit quelque chose que d’autres peuvent lui envier : rassembler autour de la culture.