La semaine dernière a eu lieu au Mudam le vernissage de l’exposition « Nested », de l’artiste luxembourgeoise Su-Mei Tse. Le lancement d’une saison culturelle marquée par le changement de direction à la tête du musée.
Pour les habitués du Mudam, Su-Mei Tse est loin d’être une inconnue. Sa fontaine « Many Spoken Words » fait partie de la collection permanente. De l’encre noire qui en coule naît un bassin opaque, dérangeant, qui ne cesse d’hypnotiser les visiteurs. Elle est à l’image du travail de l’artiste, excessivement précis et follement visuel.
C’est en toute logique que la Luxembourgeoise cosmopolite, d’origine chinoise et anglaise, a droit à une rétrospective de ses travaux récents dans le musée qui l’a fait connaître. L’exposition « Nested » est la récolte de plusieurs années de travaux variés qui ont pour point commun le rapport des hommes à la nature, avec l’utilisation de minéraux et de végétaux dans des œuvres toujours aussi étonnantes. L’artiste mêle sculptures, installations et vidéos pour exposer son rapport au monde.
L’exposition se veut un journal intime du ressenti quotidien de l’artiste. Su-Mei Tse met en scène à sa manière des expériences sensorielles qui se répondent dans l’usage des couleurs et des techniques. Pour mieux comprendre la démarche, la traduction s’impose. « Nested » veut littéralement dire « imbriqué ». Mais la racine de « nest » est le nid, là où apparaît la vie. Et celle-ci n’est après tout qu’assemblage de matières. Comme le travail de Su-Mei Tse.
Le grand hall du Mudam accueille ainsi des blocs minéraux d’apparence banale. De près, ils rappellent les gongshi, pierres méditatives que les Chinois aiment à observer pour apaiser leurs âmes. Sauf qu’ici, Su-Mei Tse a ajouté de la couleur, des formes, qui illustrent l’intervention de l’homme dans la nature. Soit des boules qui peuvent rappeler les planètes perdues dans l’immensité de l’univers. À moins que ce soit les atomes de la matière qu’elle choisit de grossir. En tout cas, la méditation devient contemplation, puis interrogation.
Un peu plus loin, « A Whole Universe (Pomegranate) » est une autre illustration de la vie, au travers d’une grenade ouverte et généreuse, fruit intrigant et coloré. Cette même grenade que l’on retrouve dans le détail d’une photo prise, à Rome, d’une statue antique tendant le fruit légèrement fendu. Renferme-t-il un secret, s’agit-il seulement d’un détail esthétique de l’artiste ? Un questionnement, comme si l’infiniment grand et l’infiniment petit n’avaient de cesse de se croiser pour poser la question du sens de la vie.
« Gewisse Rahmenbedingungen 3 (A Certain Framework 3) », vidéo d’une boule de cristal flottant entre des mains inconnues, confirme le cheminement de l’artiste. La boule semble se mouvoir sans intervention aucune, quand les mains bougent indépendamment.
Dans « The Pond », photographie sous verre, le regard devine la matière. Est-elle sous-marine, ne s’agit-il que d’un arbuste dans la brume ? Placée sous verre, à plat, l’image interroge jusqu’à sa fabrication. C’est sans doute la volonté de l’artiste que de distordre ce que l’œil voit, pour mieux remettre en cause les certitudes de l’esprit.
Au point que l’idée de revoir une dernière fois le travail de Su-Mei Tse avant de quitter le musée semble une évidence. Pour observer à nouveau des œuvres qui ne sont peut-être pas ce qu’elles semblent être. À la manière de cette obsédante fontaine d’encre noire qui montre tant tout en cachant presque tout.