Cent jours qu’Emmanuel Macron est président de la République, et déjà les choses se gâtent pour lui. C’est peut-être qu’il a méconnu les signes du temps.
« Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. » La phrase, prononcée en juillet 2015 lors d’une interview avec le journal « Le 1 » par le ministre de l’Économie de l’époque, Emmanuel Macron, défraye la chronique.
D’abord, parce qu’elle traduit une conception très singulière de l’état de la démocratie française. Ensuite, parce qu’elle pourrait être un indice quant au rôle que Macron se voit jouer. De la mise en scène de sa victoire électorale – dos à la pyramide du Louvre, à droite d’une statue de Louis XIV, face à un arc de triomphe célébrant la victoire de Napoléon Ier à Austerlitz – à son discours d’« intronisation » devant les deux chambres à Versailles, en passant par la promesse de rétablir la tradition des chasses présidentielles ou l’intention de créer un statut de « première dame » pour son épouse, tout indique une vision de la fonction présidentielle très centrée sur la personne du président, pour ne pas dire monarchique.
L’Assemblée nationale et les structures démocratiques en général font office de figurantes.
Pour Macron, il s’agit de renouer avec la « tradition » de l’homme providentiel, tel un Charles de Gaulle ou un Napoléon Bonaparte. Comment interpréter autrement son style ultracentralisateur, où seuls lui et quelques rares proches décident de la marche à suivre ? Transposition de diverses mesures de l’état d’urgence dans le droit commun, feu vert pour une réforme totale du droit du travail à coups d’ordonnances présidentielles et donc sans débats parlementaires, loi sur la « moralisation de la vie publique » : c’est à la vitesse de l’éclair qu’Emmanuel Macron souhaite engager les réformes structurelles, sans donner une chance à ses adversaires de se regrouper et de lui faire face.
L’Assemblée nationale et les structures démocratiques en général font office de figurantes. C’est le revers de la médaille des députés En marche ! « issus de la société civile » : pas ou peu expérimentés, ils ne font qu’entériner ce que le président de la République a décidé depuis longtemps. Face à l’écrasante majorité du groupe présidentiel et aux députés de droite et de gauche soutenant Macron, l’opposition est, elle, contrainte de se faire entendre à travers des coups d’éclat, sans jamais réellement représenter de danger pour le projet macronien.
Élu par défaut et pour faire face au Front national, Emmanuel Macron est pourtant loin, très loin, de faire l’unanimité au sein de la population française. Baisse des dotations aux collectivités locales, baisse des aides au logement pour les plus pauvres, réforme prévue de l’impôt de solidarité sur la fortune qui favorisera les plus aisés… les premières mesures du président sur le plan social font grincer des dents. La baisse de sa cote de popularité est spectaculaire : seul Jacques Chirac avait perdu plus rapidement la sympathie de ses électeurs, en 1995.
C’est peut-être qu’il se trompe fondamentalement sur les raisons du déclin démocratique français : et si ce n’était pas tellement un roi qui manquait à la France, mais la possibilité de décider de son propre sort sans devoir faire le choix du moindre mal et se retrouver avec un président monarque à tous les coups ? Louis XVI, appelé « Louis le Dernier » par les révolutionnaires, se voyait lui aussi en réformateur de la France. La fin de l’histoire, tout le monde la connaît…