On connaît désormais le premier gouvernement de la présidence Macron. Les quelques « prises de guerre » ne sauraient camoufler son orientation très libérale.
C’est une équipe de choc en vue des élections législatives de juin, ce premier gouvernement sous Emmanuel Macron présenté ce mercredi. À commencer par le premier ministre, Édouard Philippe. Âgé de 46 ans, issu de la droite « juppéiste », le maire du Havre pourrait s’avérer utile dans la lutte pour une majorité parlementaire qui opposera La République en marche, formation d’Emmanuel Macron, aux Républicains. Il en va de même pour Bruno Le Maire, candidat malheureux à la primaire de la droite (2,4 pour cent), dont la nomination au prestigieux ministère de l’Économie est qualifiée de « prise de guerre » par certains.
Tout comme celle de Nicolas Hulot au ministère de la « Transition écologique et solidaire ». L’ancien présentateur télé est une figure de proue de l’écologie et de la lutte contre le réchauffement climatique et avait refusé une entrée dans un gouvernement à trois reprises. Si sa nomination semble être en contradiction avec celle du premier ministre, ancien lobbyiste d’Areva et décrit comme « pas très vert », il est fort probable que Hulot ait obtenu des garanties assez importantes pour risquer sa réputation en participant à ce gouvernement.
Il n’est d’ailleurs pas le seul profil plutôt atypique au sein de cette équipe, qui sera en place jusqu’aux législatives. Ainsi, la nomination de Françoise Nyssen, codirectrice de la maison d’édition Actes Sud, au poste de ministre de la Culture suscite de – faibles – espoirs au sein du monde de la culture française. C’était une des promesses d’Emmanuel Macron : constituer un gouvernement dont une partie serait issue de la société civile. Chose faite, même s’il convient de relever la forte présence d’anciens hauts fonctionnaires et de chefs d’entreprise parmi ces personnalités.
Le gouvernement Philippe est-il un gouvernement de « renouveau » pour autant ? Macron avait bâti toute sa campagne sur sa relative jeunesse et sa volonté d’en finir avec la « vieille » politique politicienne. Pourtant, à passer au crible la liste des ministres, on peut s’apercevoir que la grande majorité des présents ont déjà exercé des responsabilités politiques. Avec une moyenne d’âge de 54 ans pour l’équipe exécutive, le nouveau président sera d’ailleurs plus jeune que la plupart de ses ministres.
Politiquement, les membres du gouvernement sont tous des adeptes plus ou moins fervents du libéralisme. La nomination de deux hommes de droite – Bruno Le Maire et Gérald Darmanin à l’Économie et aux Comptes publics – annonce la couleur ; celle de l’entrepreneuse proche du Medef (principal « syndicat » du patronat français) Muriel Pénicaud au ministère du Travail le confirme : un tournant économique et budgétaire n’est pas à attendre. Ce qui devrait réjouir la Commission européenne et le gouvernement allemand qui, tous les deux, avaient très rapidement oublié la menace du Front national et avaient rappelé à Macron que la rigueur budgétaire est toujours de mise.
Macron lui-même ne semble déjà plus se souvenir du fait qu’il a été élu pour faire barrage à Marine Le Pen.
Ils ne sont pas les seuls qui ont vite oublié : Macron lui-même ne semble déjà plus se souvenir du fait qu’il a été élu pour faire barrage à Marine Le Pen et que le libéralisme économique est loin d’être majoritaire en France. La ligne libérale suivie par François Hollande et Manuel Valls – sous l’influence d’Emmanuel Macron, faut-il le rappeler – s’est avérée un échec et a, par la même occasion, contribué à ce que le Front national arrive aux portes du pouvoir. Rarement le mécontentement aura été aussi grand en France, l’abstention aussi forte. Ce n’est pas en remplaçant quelques têtes tout en poursuivant les mêmes politiques libérales à outrance qu’on y changera quelque chose.