De 1945 à 1989, la vie quotidienne comme la vie politique au Luxembourg ont été marquées par le contexte de la guerre froide. La première exposition consacrée à ce sujet ouvre ses portes au MNHA.
Qui a lancé l’appel ? Un « groupe de patriotes ». Plusieurs milliers de manifestants, la plupart très jeunes, se rassemblent, puis se dirigent vers le bâtiment officiel. Ils forcent les portes, saccagent l’intérieur, se jettent sur les délicieux plats préparés pour la soirée festive, repartent les mains remplies d’objets pillés. Le Conseil de la ville réagit en interdisant toute manif et tout « attroupement » de plus de cinq personnes.
Printemps arabe de 2011 ? Non, le Luxembourg de 1956. Les manifestants sont des lycéens qui s’indignent de l’écrasement de la révolte hongroise par l’Union soviétique. Les slogans vont de « Vive la Hongrie libre » à « Euer Wodka schmeckt nach Blut », l’ambiance est à la chasse aux sorcières. Dans les jours qui suivent, on casse quelques fenêtres des maisons des dirigeants du parti communiste luxembourgeois et leurs enfants sont pris à partie dans les cours des écoles. Au Luxembourg comme partout à l’Ouest, l’anticommunisme marque les esprits, la guerre froide est en marche.
C’est cette histoire que raconte l’exposition qui vient d’ouvrir au Musée national d’histoire et d’art (MNHA). Disons-le tout de suite : il s’agit plus d’une commémoration que d’une exposition spectacle. On l’a compris lors de la visite de presse en entendant les explications du directeur du MNHA Michel Polfer. Le musée a essayé de rassembler des objets historiques, mais la moisson a été maigre du côté des archives privées. La recherche historique sur le sujet n’en est qu’à ses débuts – lors des Assises de l’historiographie en automne, la conférence « La guerre froide au Luxembourg » avait constitué une sorte de première. Le conférencier n’était autre que Régis Moes, jeune historien et conservateur au MNHA, dont c’est la première exposition en tant que commissaire.
Du côté des collections comme de celui de l’historiographie, le musée espère que son initiative donnera des idées aux visiteurs – détenteurs, par exemple, d’objets spoliés en 1956 – comme aux historiens à la recherche de sujets. Nous ajouterons que les moyens mis en œuvre pour aménager le parcours de l’exposition sont assez limités : une seule mise en scène, quelques films, des objets d’un intérêt inégal… et beaucoup de photos, d’affiches et de tracts. Ce n’est pas vraiment l’expo à visiter avec de jeunes enfants pour occuper un dimanche après-midi pluvieux.
Aux visiteurs avertis par contre, le parcours permet de faire quelques découvertes. Le souvenir le plus caractéristique de la guerre froide est sans doute la peur des armes nucléaires. Une des pièces de l’expo le rappelle à travers des photos, des séquences filmées et surtout une impressionnante porte blindée. En menant ses recherches, Moes a identifié plusieurs abris antiatomiques, notamment en dessous de certains lycées construits à l’époque.
Pour 1956 comme pour 1968, peu d’objets illustrent les réactions aux interventions soviétiques. Pourtant, cette dernière date a conduit à une crise au sein du LSAP – pouvait-on avoir des coalitions avec le KPL au niveau communal ? – et à la création de l’éphémère parti social-démocrate SDP. Ces événements passionnants, dans un contexte de remise en question de la logique des blocs par les nouveaux mouvements de gauche, sont presque oubliés aujourd’hui. Il n’en reste que le square Jan Palach… et Astrid Lulling, passée du LSAP au SDP, puis au CSV.
Dans la pièce consacrée à l’espionnage, on trouve de nombreux objets insolites, de la caméra miniature à une « boîte aux lettres morte » – tous fournis par le Service de renseignement. Pour ce qui est du réarmement et du mouvement pacifiste des années 1980, les pièces exposées sont peu nombreuses, mais jolies, comme cette maquette d’un avion Awacs immatriculé au Luxembourg. Et qui fait écho au fragile oiseau en bois du début du parcours, confectionné par un prisonnier de guerre russe. Un objet qui illustre l’amitié avec notre allié oriental dans l’immédiat après-guerre, alors que tout semblait encore possible.
Une iconographie modeste, mais qui fait travailler notre imagination, des présentations factuelles, qui invitent aux interrogations et aux analyses – l’exposition « La guerre froide au Luxembourg » a d’abord le mérite d’exister. À une époque où les leçons des guerres néocoloniales semblent oubliées et où les manichéismes politiques font à nouveau recette, elle fait réfléchir. Une expo à voir, de préférence en visite guidée.
« La guerre froide au Luxembourg », au MNHA, jusqu’au 27 novembre.
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