Le Feierkrop n’est plus, mais laisse du moins derrière lui un dernier tome de dessins satiriques qui – à leur façon – réussissent à capturer l’air du temps.
Que la grande-duchesse devienne carrément la double obsession d’un hebdomadaire satirique dont la rédaction est entièrement masculine a de quoi étonner un peu. En effet, ces dernières années, ce n’étaient pas uniquement les dessins de la rubrique « À la cour » de Moe Skifati et Jacques Drescher qui prêtaient une voix à la souveraine Maria Teresa, mais aussi les textes composés par « La petite madame de Colmar-Montagne ». Ces derniers, qui se terminaient toujours sur une petite poésie, étaient d’ailleurs calqués sur le célèbre « Journal de Carla B. », avec lequel le « Canard enchaîné » a entretenu son lectorat pendant les années Sarkozy. Même s’il faut admettre que seul le format était emprunté, le contenu de la rubrique prêté à la plume de la grande-duchesse n’étant compréhensible que pour celles et ceux qui connaissent nos contrées.
La relation que les deux créateurs entretiennent avec la (ou leur) monarque ne manque d’ailleurs pas de tendresse. Parfois féministe et rebelle, la Maria Teresa du Feierkrop n’hésite pas à s’élever au-dessus de la médiocrité du débat national – par exemple dans l’affaire de la « Posch voller Iddien », la malheureuse campagne dans laquelle les femmes socialistes ont démontré qu’elles aussi adhéraient toujours aux stéréotypes vieillots de genre. Dans cette série de dessins, c’est la grande-duchesse qui triomphe en roulant en Harley-Davidson. Souvent aussi, la figure de la souveraine est utilisée pour viser son mari, ou encore sa belle-mère, qui semble la détester encore d’outre-tombe.
En tout cas, « Les très riches heures de la petite madame de Colmar-Montagne » (formule d’ailleurs empruntée aux « livres d’heures » médiévaux) est une chronique intéressante de notre époque, qui devrait intéresser les chercheuses et chercheurs dans un bon millénaire, au cas où ils et elles devraient écrire sur ce que c’était le Luxembourg du début du 21e siècle.