Lettre à la rédaction : Une place d’honneur pour les volontaires des Brigades internationales au monument du souvenir « Gëlle Fra » ?

Comme chaque année les « Amis des Brigades Internationales- Luxembourg » (ABI-L) viennent de commémorer le souvenir des 102 volontaires qui, entre 1936 et 1938, sont partis en Espagne pour soutenir les troupes républicaines contre les troupes rebelles du général Franco.

Aujourd’hui tout le monde est d’accord pour dire que bien avant le début de la Seconde Guerre Mondiale les volontaires des Brigades Internationales furent parmi les premiers à s’opposer par la force au nazisme et au fascisme « en montrant la voie à ceux qui allaient bientôt les suivre dans le combat pour la liberté » (Jean-Claude Juncker, premier ministre, in « Hommage aux volontaires des Brigades Internationales » 1997). Leur engagement en faveur de l’Espagne républicaine, leur combat contre des régimes sanglants et leur clairvoyance face à la menace nazie leur ont aussi valu en juillet 2003 la reconnaissance officielle et unanime de la Chambre des députés.

Bien que disposant, depuis 1997, d’un monument dans le quartier Italie à Dudelange, l’ABI-L estime légitime leur demande adressée le 17 décembre 2018 au premier ministre Xavier Bettel (lettre restée sans réponse) de voir figurer au « Monument du Souvenir – Gëlle Fra » la mention « Aux volontaires des Brigades Internationales (1936-1938) »  afin mettre en avant la visibilité de leur combat en faveur de la liberté et d’un régime parlementaire chers à la population luxembourgeoise.

Certes le « Monument du Souvenir » fut d’abord érigé après la Première Guerre Mondiale pour honorer la mémoire des victimes luxembourgeoises de la « Grande Guerre » (1914-1918) et des volontaires luxembourgeois engagés au sein de la Légion Étrangère aux côtés de la France contre les troupes impériales de Guillaume II et de ses alliés.

Lorsque les nazis le démolirent en octobre 1940, le monument devint le symbole de la résistance luxembourgeoise face à la répression nazie.  Disparu pendant de longues années, il ne fut remis à sa place qu’en 1985 sous l’impulsion d’un comité d’organisation chargé de recueillir les fonds nécessaires à sa reconstruction. Depuis cette date, la « Gëlle Fra » rend hommage aux victimes luxembourgeoises des deux guerres mondiales qui ont succombé en défendant leur patrie et ses valeurs démocratiques.

Quelques années plus tard une nouvelle plaque a été ajoutée sur le côté droit de la « Gëlle Fra » pour honorer la mémoire des volontaires luxembourgeois engagés dans la guerre de Corée (1951-1954). La date d’inauguration de cette plaque reste un mystère, malgré des recherches importantes restées toutefois infructueuses. Des démarches entreprises auprès d’anciens vétérans de la guerre de Corée n’ont donné aucun résultat. Se pose donc la question du décideur et du bien-fondé de cette décision, d’autant plus que l’engagement des volontaires de Corée ne remplissait aucunement les objectifs patriotiques retenus jusque-là par les pouvoirs publics pour pouvoir prétendre à une place d’honneur au « Monument du Souvenir ».

En effet durant la guerre de Corée les forces onusiennes, sous commandement américain, tentaient d’empêcher les forces communistes venus du Nord, aidées par la Chine communiste et L’URSS d’envahir la Corée du Sud. Le but était donc de défendre, selon la version officielle de l’époque, le monde pro-occidental dit « libre » contre la dictature communiste. Dans un monde dominé à l’époque par la « guerre froide », c’est donc cet engagement anti-communiste en faveur d’un monde « libre », partagé par nos gouvernements successifs qui, semble-t-il, a valu aux volontaires luxembourgeois de la guerre de Corée l’honneur de les voir figurer également au « Monument du Souvenir ». Par cette action le Luxembourg a donc voulu renforcer son image pro-occidentale et les valeurs qu’elle représente : démocratie parlementaire et indépendance.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans le cas de la guerre de Corée, défendre la démocratie était synonyme du combat contre la progression du communisme, alors que durant la Deuxième Guerre Mondiale et la guerre d’Espagne s’engager en faveur de la démocratie voulait dire combattre les idéologies d’extrême-droite. Deux visions de la démocratie tout à fait opposées !

Ce sont les valeurs démocratiques défendues par les 102 volontaires des Brigades Internationales dans leur lutte contre les dictatures d’extrême-droite ainsi que leurs sacrifices (près d’un quart ont succombé ou ont été blessés), qui légitiment donc leur inscription au « Monument du Souvenir ».

Serge Hoffmann

 

                                                                                                           


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