Faire revivre une époque dont les récits sont souvent fragmentaires et contradictoires est une chose en fait impossible. En prenant ses libertés, « Vikings » réussit tout de même une plongée impressionnante dans cette civilisation mythique.
Débutée en 2013, la série produite pour History Channel a vite décollé pour trouver un public plus large. Pas étonnant, vu qu’elle détient tous les atouts dont une série à succès a besoin : intrigues, sexe et meurtres. Et aussi des personnages auxquels le public peut s’identifier, comme Ragnar Lothbrok, leader des Vikings, et sa femme Lagertha, aussi belle que féroce guerrière.
Au cours des premières saisons, on assiste à la montée en puissance de Ragnar, qui finit roi de sa tribu installée à Kattegat en Scandinavie. Les croyances de cet aventurier et explorateur en les déités nordiques n’empêchent pas qu’il s’intéresse à la science et aux autres religions. Ainsi, en utilisant une boussole primitive, il réussit à garder le cap à l’ouest et à trouver les terres anglaises et le monastère historique de Lindisfarne, qu’il pille avec ses hommes et ses femmes. Pourtant, si une partie des moines sont enlevés pour devenir des esclaves, il traite son butin vivant, un jeune moine du nom d’Athelstan, avec respect, et pas seulement parce qu’il espère en soutirer des informations supplémentaires sur d’autres villes juteuses à soumettre à un raid viking.
Le dialogue entre les mondes chrétien et païen est un des fils rouges de la série et un de ses points forts. Réussissant à écarter les clichés sur les deux croyances, « Vikings » montre le même respect pour celles et ceux qui se battent pour rejoindre le Valhalla que pour les disciples de Jésus-Christ. La morale n’est pas non plus toujours dans le même camp, et les hommes de Dieu peuvent – surtout vers les dernières saisons – faire preuve d’une perfidie surprenante.
Comme mentionné, la série prend quelques libertés avec l’Histoire avec grand H. Ragnar Lothbrok, même s’il est mentionné dans les sagas nordiques, n’a probablement jamais existé. Selon les historien-ne-s, il s’agirait plutôt d’un métapersonnage, un condensé de plusieurs rois et héros nordiques. Un personnage que la série condense d’autant plus qu’elle lui fait accomplir le saccage du monastère de Lindisfarne et le siège de Paris quelques années plus tard, alors qu’il y a plus d’une soixantaine d’années entre les deux événements. Les fils de Ragnar, Sigurd Œil de Serpent, Björn Côtes de Fer, Hvitserk, Ubbe et le redoutable Ivar le Désossé sont par contre de vrais personnages historiques, et leur croisade païenne contre l’Angleterre bien réelle. Une autre très grande liberté est le personnage de Rollon, le premier des Normands, qui dans la série est le frère de Ragnar, alors qu’il est tout à fait impossible qu’ils aient vécu à la même époque.
Quant à la vie quotidienne des Vikings décrite dans la série, elle est le plus proche possible de la vérité historique, même si certain-e-s historien-n-es voient comme problématique la cruauté de l’organisation sociale, qu’ils croient plus démocratique, et surtout les punitions infligées. Il n’est pas certain que le terrible châtiment de l’aigle de sang, qui implique le maniement d’une épée et d’une hache et une mort aussi lente que douloureuse, ait été appliqué. Du moins, ils ne portent pas des heaumes avec des cornes ou des plumes…
Bref, « Vikings » est de l’entertainment historique de bonne qualité − rien de plus, mais rien de moins. La série, dont la saison finale, commandée en 2017, sera encore dévoilée cette année, connaîtra aussi un spin-off appelé « Vikings : Valhalla », situé une centaine d’années plus tard.