Peinture
 : Tissage 
de l’infini


« En quête de vérité », c’est le titre de l’exposition rétrospective consacrée à la carrière d’Ivan Marchuk à Neimënster. Une immersion fascinante dans le monde d’un peintre philosophe dont la technique bien particulière est constante, mais les thèmes sans cesse renouvelés.

Extrait de la série « Look at the Infinity », 2008. (Photos : woxx)

Né en 1936 dans le village de Moskalivka, situé à l’époque en Pologne, mais rattaché à l’Ukraine après la conquête soviétique de 1939, Ivan Marchuk est le fils d’un tisseur. Pas étonnant dès lors qu’il ait développé pour son œuvre la technique du « plontanisme » – du verbe ukrainien « plontaty », qui signifie « tisser ». Elle consiste en l’entremêlement de traits colorés ou monochromes formant motifs et toiles entières. « The Golden Mistress », premier tableau à admirer avant même de pénétrer dans la chapelle de Neimënster, concentre d’ailleurs en lui l’essence de l’art du peintre ukrainien : longs traits entremêlés donc, qui se combinent pour faire éclore un visage de madone à la fois altier et cybernétique, mais qui contraste avec la douce sensualité d’un sein révélé.

Ce portrait fait partie d’un des cycles qui ont rythmé jusqu’ici la créativité d’Ivan Marchuk. Celui-ci culmine dans ce qui pourrait bien être le clou de cette période : « Eve », magnifique tableau où la première des femmes est vêtue du dense réseau tissé de traits déjà évoqué, auquel seule la pomme de la tentation échappe. Mais l’exposition, qui propose des toiles peintes entre 1979 et 2014, permet de mesurer la capacité de renouvellement de l’artiste à travers d’autres cycles. Étonnants par exemple, ces paysages enneigés ou ces coquelicots flamboyants quasi réalistes, mais toujours rendus selon la technique du plontanisme. On y retrouve la nature à l’état pur, et la présence humaine ne se fait sentir qu’à travers quelques éléments, comme la lumière d’une fenêtre de chaumière. Encore plus différente, la série « Look at the Infinity », parfaitement abstraite dans ses aplats rappelant pourtant certaines toiles surréalistes.

« The Song of Germination », 1989.

Quant au cycle « White Planet – I », il constitue une incursion sevrée de couleurs dans un cosmos rêvé où, bien entendu, les particules se rejoignent en traits. Orbites ou ceintures d’astéroïdes, comètes ou vaisseaux spatiaux ? L’interprétation est ouverte dans ces toiles où la profusion de détails permet de nouvelles découvertes à chaque regard. Commune à tous les cycles, cependant, demeure la réflexion philosophique sur le beau dans l’univers en général et dans l’existence humaine en particulier.

Ivan Marchuk a su se créer une technique bien à lui et la décliner, sans pourtant s’enfermer sempiternellement dans les mêmes thèmes. Loin de la provocation ou de l’esbroufe, il concocte des tableaux à la puissance évocatrice impressionnante, véritables tours de force techniques. Un artiste à l’ancienne pour des toiles dont les interrogations sont résolument actuelles, quelle que soit la date de leur réalisation. Alors, plutôt que d’accorder crédit à l’article du « Daily Telegraph » de 2007 qui le donnait à la 72e place des « génies vivants », comme le note complaisamment la notice biographique en début d’exposition, il faut aller voir ses œuvres et se pénétrer de leur humanité profonde. Rendez-vous pour cela au Grund.

Dans la chapelle de Neimënster, 
jusqu’au 7 octobre.

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