Photographie : Le cœur à Lhassa

Sous le titre « Tibet, 60 ans d’exil », l’ONG Les Amis du Tibet Luxembourg propose une exposition virtuelle sur la population tibétaine installée en Inde. Les douze clichés agrémentés de textes célèbrent le refus de perdre tout espoir de retour.

« Gelek Wangmo – la nonne doctorante », une des photos de l’exposition. (Photo : Tsering Topgyal)

Celles et ceux qui figurent sur les photographies de l’exposition sont maquilleuse, rappeur, médecin, infirmière, tatoueuse ou lycéenne. Leur point commun ? De Dharamsala à New Delhi, ils et elles représentent la communauté tibétaine en exil en Inde, toutes générations confondues. L’exode tibétain commence en mars 1959, après la révolte contre la Chine. Des dizaines de milliers de personnes suivent alors le 14e (et toujours actuel) dalaï-lama, qui constitue par la suite son gouvernement à Dharamsala. Pour porter un regard rétrospectif sur six décennies d’exil d’un peuple qui lutte pour conserver sa culture, Les Amis du Tibet Luxembourg ont donc confié à trois photojournalistes tibétains (Kasang Jigmé, Tashi Tobgyal et Tsering Topgyal) le soin d’effectuer en septembre 2020 un reportage sur le sujet.

Dans une salle virtuelle sobre où l’on navigue de façon intuitive, douze clichés sont proposés aux internautes. Il s’agit là de photographies de presse, aux couleurs bien contrastées et à la netteté irréprochable. Bien entendu, les textes qui les accompagnent revêtent une importance significative, afin de relier l’histoire personnelle de chaque modèle à la grande histoire. C’est ainsi que l’on peut découvrir des épisodes relativement méconnus : Ngawang Topden, 79 ans, raconte par exemple comment après sa fuite vers l’Inde en 1960 il s’est enrôlé dans la Special Frontier Force indienne, créée d’abord pour sécuriser la frontière avec la Chine, combattant ensuite lors de la guerre du Bangladesh de 1972. Une guerre qui « n’était pas la sienne », mais qu’il a menée parce que « les ordres [venaient] d’en haut ». On fait également la connaissance de Sakina Batt, présentatrice de Tibet TV à Dharamsala, dont on apprend qu’elle est musulmane – sous nos latitudes, le Tibet est souvent associé au seul bouddhisme. Quant à Tenzin Mariko, après une première vie comme moine, elle est devenue femme et modèle trans, participant même en 2015 au concours Miss Tibet.

Si l’un des intérêts de cette exposition est bien la découverte d’une culture et d’une communauté méconnues, la visite se prête aussi remarquablement bien, par son caractère virtuel, à une prolongation grâce au miracle des recherches sur l’internet – dommage que des liens ne soient pas proposés directement. C’est ainsi que les enthousiastes de poésie pourront, après avoir regardé son portrait, aller consulter le site du poète et activiste Tenzin Tsundue et lire ses textes à l’émotion patriotique : « I am tired, / I am tired doing that 10th March ritual, / screaming from the hills of Dharamsala. // (…) I am tired, / I am tired fighting for the country / I have never seen. » Ou bien aller écouter − pourquoi pas ? − quelques titres du rappeur G Tashi, qui lui aussi évoque le pays de ses ancêtres dans ses performances.

La diversité des témoignages de « Tibet, 60 ans d’exil », même s’ils ne sont que douze, prouve en tout cas que la communauté tibétaine en Inde est soudée et entend perpétuer sa culture, malgré le rouleau compresseur chinois sur son territoire d’origine. Quelquefois, il est bon de rappeler à notre esprit les luttes qui se déroulent loin de nos frontières ; l’exposition le fait avec intelligence, préférant d’une manière non violente la persuasive illustration de destins individuels à la confrontation directe.

En ligne à l’adresse bit.ly/expo-60ans, jusqu’au 31 décembre.

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