Sculpture : Les sculptures passagères


C’est un rendez-vous récurrent depuis plus de quinze ans : le « Gare Art Festival » s’installe chaque été sur la place de Paris, le temps pour ses artistes de façonner leurs œuvres, puis migre dans le hall de la gare centrale afin de les exposer.

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« Between & Beyond », de Nicole Huberty (Photos : woxx)

C’est fou ce que les gens peuvent être pressés. À croire que le lieu, avec ses horaires de départ et d’arrivée ostensiblement affichés, les somme de presser le pas pour ne pas faire tache. Les attachés-cases se balancent, les jambes zigzaguent, les poussettes roulent à tombeau ouvert. Personne, pas même les voyageurs qui profitent de la belle verrière sur un banc, ne semble prêter attention aux sculptures exposées dans le hall baigné de soleil. Si ! Une personne s’arrête… pour consulter son portable. Et puis, de temps en temps, certains portent un regard distrait sur ces objets qui encombrent leur chemin.

L’exposition dans la gare est peut-être finalement le volet le moins passionnant de cette animation estivale. Car du 29 juillet au 5 août, les spectateurs se sont vu proposer une véritable plongée dans l’acte de création des six sculpteurs participants, à travers un atelier en plein air sur la place de Paris. Cette notion d’immersion du public dans le processus artistique explique aussi la mise en place quelque peu minimaliste des pièces, sur des palettes de bois : ici, on n’est vraiment pas au musée. Comme chaque année, un matériau de référence avait été choisi. Pour 2016, celui-ci était l’argile cellulosique ou terre-papier. Pas d’autre contrainte pour les artistes, qui pouvaient exercer leur créativité librement.

Chez Doris Becker, dont le travail cherche à refléter la mémoire captée par les pierres à travers érosion et évolution, elle s’est traduite par une étoile brisée relativement symétrique et qui, il faut le dire, n’exerce qu’un intérêt assez superficiel ; l’œuvre semble sortie du contexte d’une recherche globale. Il n’en va pas de même pour « Between & Beyond », de Nicole Huberty, dont la statue, certes plus figurative, convoque l’imaginaire des contes et des mythes.

Un peu plus loin, la « Distorsion » de l’Espagnol Placido Rodriguez (déjà invité l’année dernière) plante une atmosphère de commedia dell’arte avec un masque géant : mission accomplie pour un artiste qui ambitionne de propager le concept de sculpture traditionnelle dans la rue. L’Italien Maurizio Perron, autre récidiviste de l’année 2015, joue des contrastes dans une œuvre à l’intérieur animé et en mouvement et à la forme extérieure rigide et droite. Là aussi, l’unique pièce du sculpteur semble un peu isolée. Le travail de recherche est certes expliqué sur un panonceau, mais incomplètement rendu.

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Les sculptures de Bogdan Adrian Lefter (au premier plan) et de Michael Levchenko.

Enfin, si le « Marmory Dreaming » de l’Ukrainien Michael Levchenko semble une abstraction pure sans forme déterminée, le « Ballet Sketch » du Roumain Bogdan Adrian Lefter renoue avec la figuration et capture avec un certain bonheur une expression dansée. Au final, la très petite exposition oscille entre figuration et abstraction, entre recherche plastique assumée – pour laquelle l’endroit n’est pas idéal – et sculpture plus facile d’abord. C’est clair : l’année prochaine, il faudra rendre visite aux artistes dans leur atelier improvisé pour en profiter vraiment.

Dans le hall de la gare, chacun se hâte vers sa prochaine destination. Enfin une autre personne qui s’arrête… pour sortir un mouchoir de sa poche. Faire sortir l’art de ses repaires habituels n’est décidément pas une sinécure.

Jusqu’au 22 septembre.

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