Systématiquement présentés à Cannes, les films de Lars von Trier attirent toujours l’attention des spectateurs, car ils ont pratiquement tous été primés.
On se souvient d'“Europa“ en 1991, de „Breaking the Waves“ en 1996, ou encore de „Dancer in the Dark“ en 2000. Le dernier-né du réalisateur Lars von Trier, intitulé „Dogville“, était donc attendu avec une grande impatience. Ce drame historique danois est le premier film d’une nouvelle trilogie dont Nicole Kidman est l’héroï ne.
En fait, c’est une oeuvre totalement originale et conceptuelle, dans laquelle sont intégrés des contextes théâtraux; tous les acteurs du film ont joué dans le même décor. Lars von Trier joue beaucoup avec la lumière, la plupart du temps dans les tons jaunes dorés, ainsi qu’avec le bruit et la musique qui intensifient l’atmosphère dramatique du film.
L’action se déroule dans les années trente pendant la Grande Dépression américaine, dans une petite ville située au pied des Montagnes Rocheuses: Dogville. Lars von Trier situe cette ville en Amérique, mais dans une Amérique vue à travers son regard: „Ce n’est ni un film scientifique, ni un film historique. C’est un film d’émotion. Bien sûr, on parle des Etats-Unis, mais aussi de n’importe quelle petite ville dans le monde.“ C’est déjà son deuxième film sur les USA (avec „Dancer in the Dark“), bien qu’il n’y ait jamais mis les pieds. D’ailleurs, il fait un parallèle avec l’auteur tchèque Franz Kafka, qui décrit les Etats-Unis avec un oeil étranger, sans jamais en avoir foulé le sol.
Un soir des coups de feu retentissent, Grace (Nicole Kidman), terrifiée, court à travers la montagne pour fuir des gangsters qui la poursuivent. Elle trouve alors refuge à Dogville, suite à sa rencontre avec Tom (Paul Bettany). Ce dernier réussit à convaincre les autres villageois de la protéger en échange de quelques travaux ménagers qu’elle effectue pour les aider. Malheureusement cet accord ne tient pas longtemps car peu à peu, après qu’un avis de recherche a été lancé contre la jeune femme, les habitants se sentent en droit d’exiger des compensations supplémentaires, vu les risques qu’ils encourent à l’abriter. Ils transforment alors la vie de Grace en un véritable enfer. Ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que celle-ci cache un secret d’une importance capitale et qu’elle leur fera un jour regretter leurs gestes.
Nicole Kidman, radieuse et fragile, tout le temps captivante, est fabuleuse dans ce rôle. En fait, Lars von Trier dit avoir écrit ce rôle pour elle, ou plus exactement, à partir de l’image qu’il avait d’elle; un véritable rôle sur mesure en quelque sorte. Mais le réalisateur s’est également entouré d’autres très bons acteurs, tels Ben Gazzara, acteur fétiche de John Cassavetes, Lauren Bacall, ou encore James Caan, qui a notamment interprété le rôle de Sonny dans „Le Parrain“.
Brecht et Trier
D’autre part, le scénario tient un rôle important et la mise en scène théâtrale apporte un réel plus. Ce sont là les rapports humains qui sont mis en évidence et bien qu’ils soient quelque peu désabusés, ils n’en restent pas moins réalistes. Pour écrire „Dogville“, Lars von Trier a été inspiré par „Pirate Jenny“, la chanson de „L’opéra de Quat’sous“ de Bertolt Brecht. „C’est une chanson très forte, dont le thème de la vengeance m’a beaucoup plu“, confie Lars von Trier.
Le réalisateur nous fait entrer dans un univers cinématographique nouveau, avec des schémas narratifs et scénaristiques originaux. Il ose tout et réussit à subjuguer son public. Bien que, cette fois-ci, Lars von Trier n’ait pas reçu de récompense pour son film à Cannes, ce dernier reste sans conteste un des événements cinématographiques de l’année.
Céline Rietsch
A l’Utopia