ZABOU BREITMANN: L’homme de sa vie

Il aura fallu d’une longue discussion sous le ciel d’été pour tout remettre en cause.

Vit-on vraiment la vie que l’on veut? La deuxième réalisation de Zabou Breitmann témoigne avec sensibilité de la fragilité des certitudes.

Comme tous les étés, Frédéric (Bernard Campan) et sa femme (Léa Drucker) – qui porte le même prénom que lui, le „q“ en plus – passent leurs vacances dans leur belle maison de campagne dans la Drôme, avec enfants et belle-famille. Mais cette année, un nouveau venu vient s’ajouter à l’idylle estivale. Il s’agit d’Hugo (Charles Berling), le voisin homosexuel qui vient de s’installer dans les environs. Hugo est graphiste et non pas steward, même si c’est ce que suggère avec un humour mal placé le beauf – dans tous les sens du terme – de Frédéric. Mal en prend à ce bon père de famille qui lorgne un peu trop sur la poitrine opulente de la fille au pair; Hugo lui renvoie la balle de sa répartie acide, expliquant qu’il aurait tout aussi bien pu devenir danseur ou coiffeur avant de lui asséner telle une estocade que „comme les handicapés, les homos ont leurs domaines réservés“.

Hugo sait s’exprimer, possède un caractère trempé et a une conception bien définie de la vie et de l’amour. Car c’est de cela dont traite le film, bien plus que d’une romance entre un hétéro confirmé mais qui développe des sentiments envers Hugo plus que platoniques. Et dans platonique, il y a Platon. Ainsi, Fred et Hugo jouent aux philosophes jusqu’au petit matin après des grillades bien arrosées.

La réalisatrice Zabou Breitmann a fait preuve d’originalité: le fil conducteur du film se déroule autour de cette longue discussion qui fera vasciller les convictions de Fred, le chimiste sympathique mais rangé. Car si Fred croit à la vie de famille et à l’amour entre deux personnes, Hugo est un solitaire pour qui le couple est synonyme de mort. A la longévité d’une relation amoureuse à laquelle il ne croit de toute façon pas, il préfère la quête du plaisir instantané. Quant à la famille, ce n’est pas vraiment sa tasse de thé – après tout, son homophobe de père l’a bien mis à la porte lorsqu’il apprit l’inversion de son fils.

On assiste alors à des ébats rhétoriques entre les deux hommes où chacun tient son propre rôle. Hugo nous rappelle ainsi Dom Juan: il s’attaque aux conventions établies et provoque gentiment le pauvre Fred-Sganarelle, qui se défend tant bien que mal. Apparemment, il n’avait jamais porté la réflexion si loin. Mais Hugo va lui élargir son horizon.

L’intrusion d’Hugo dans la vie des deux Fred est perçue comme une force tranquille qui fait chavirer un bonheur marital. Le couple ne joue pas. Ils sont amoureux et éprouvent encore un désir sexuel réciproque. En fait, Zabou Breitmann ne semble pas vouloir trancher en faveur d’une des deux conceptions. Par contre, elle documente la volatilité de ce qui se veut être dans l’ordre des choses, qu’il s’agisse de l’orientation ou de la nature des relations sentimentales. L’amour conjugal, même s’il est réellement ressenti, ne serait-il pas qu’un réflexe? Un peu comme le tango, dont les airs sont présents tout au long du film – cette danse a beau être passionnée, elle n’en est pas moins rigide et contrôlée.

Sensible, esthétique et sensuel: pour sa deuxième réalisation, Breitmann a accouché d’un petit bijoux. On peut toutefois lui reprocher quelques maladresses. En surchargeant le film d’effets de style, tels les retours en arrière ou les répétitions de plans sous différents angles, le film peut dérouter et l’on met quelques temps à s’y retrouver. Mais c’est peut-être l’effet recherché.

L’homme de sa vie, à l’Utopia


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