Christin/Goetzinger: Agence Hardy: Le Parfum Disparu

Les éditions Dargaud viennent de publier une nouvelle collaboration entre le scénariste Pierre Christin et la dessinatrice Annie Goetzinger.

Malgré son amour pour les détails et l’atmosphère de l’époque, pour "Agence Hardy: Le Parfum Disparu" les dessins d’Annie Goetzinger semblent avoir été faits plutôt à la hâte.

A la recherche du parfum perdu

Il s’agit cette fois du premier tome d’une trilogie dédiée à une jeune détective privée, Edith Hardy, qui, après la mort de son mari, essaye de refaire sa vie dans le Paris d’après-guerre. Dans „Agence Hardy: Le parfum disparu“ Edith s’élance dans son premier grand cas qui s’avère être bien plus compliqué qu’elle ne l’a cru au début. Edith est employée par l’industriel Gaston Lecauchoix, propriétaire d’une usine de produits pharmaceutiques, qui est inquiet du fait de la disparition d’un de ses jeunes chimistes.

Il s’agit du personnage d’Antoine Dubreuil, qui a quitté son bureau pour ne jamais réapparaître, alors qu’il était sur le point d’aller avec son chef déposer un brevet pour un parfum. Ce parfum est destiné à rendre tolérable l’odeur d’une nouvelle panade cicatrisante. Lecauchoix n’informe pas la police par peur d’alerter la concurrence. Lors de sa visite des établissements, Edith est accostée par la jeune Marinette, la fiancée de Dubreuil, qui lui fait part de son impression qu’Antoine se sentait obligé de partir. De plus, Marinette tire l’attention d’Edith sur les „camarades“ d’Antoine, d’anciens résistants, ouvriers et membres du parti communiste, dont un certain Mornic semble être le chef.

Un bel imbroglio

Dès le début, le lecteur est confronté à de sombres personnages mystérieux poursuivant Edith ou bien veillant sur elle lors des investigations. Elle est secondée par son jeune assistant Victor, qui n’apprécie pas que sa „Mamma“ l’appelle Vittorio et qui souffre de ne pas être vraiment pris au sérieux malgré son goût pour l’aventure et le danger. Néanmoins, en ruinant sa santé fragile, Victor enquête auprès des „camarades“ alors qu’Edith entre en contact avec une certaine baronne Béatrix de Küsnacht, dont le château dans les Ardennes servait jadis aux réunions du Kominform.

Apparemment, Antoine Dubreuil se trouve au château de la baronne en Belgique. Reste à savoir si le chimiste, sympathisant avec les communistes depuis que son père fut tué par les nazis, y séjourne de son propre gré ou non. Edith se met à la recherche du jeune homme et de la formule du parfum en se rendant compte au fur et à mesure que non seulement le KGB, mais aussi le service secret des Etats-Unis est mêlé à cette intrigue d’espionnage industriel sur fond de guerre froide. Un agent américain sauve la vie à Edith lors d’une tentative de meurtre qu’elle avait vue dans un rêve prémonitoire; il paraît alors que les Yankees sont les gentils et les „russkoffs“ les méchants. Ceux qui connaissent les scénarios de Pierre Christin savent cependant qu’ils ne doivent pas s’attendre à du manichéisme. Il faut donc patienter: dans le deuxième tome „Trace pâle“ on suivra ce combat des géants et on verra où se situe la France en 1955.

En attendant, Edith Hardy part en vacances à Honfleur et la mère de Victor enlève à son fils la bave de lama dont il a été aspergé lors d’une mission de surveillance nocturne au zoo. Quand on se rappelle la qualité des collaborations précédentes de Pierre Christin et d’Annie Goetzinger, on ne peut qu’être un brin déçu d'“Agence Hardy“. Tandis que des classiques de la BD comme „La diva et le Kriegsspiel“ ou „La demoiselle de la légion d’honneur“ (Humanoï des Associés) sont à recommander absolument, „Agence Hardy“ ressemble un peu à un petit frère négligé. L’intrigue est prometteuse et les connaissances historiques et politiques de Christin sont légendaires, mais cette nouvelle série plus commerciale souffre d’une certaine superficialité, notamment à cause du personnage de Victor.

Une exécution plutôt décevante

Sa présence est trop clairement celle d’un „sidekick“, une sorte d’Obélix ou de Capitaine Haddock, destiné à rendre le héros ou l’héroï ne plus attirant en distrayant le jeune lecteur des sujets plus sérieux ou ennuyeux. A la fois lucide et stupide, selon les besoins de l’histoire, il ne semble pas encore être une partie intégrante de ce scénario. Peut-être que la suite nous apprendra comment Edith l’a embauché et peut-être qu’elle nous éclairera aussi sur le passé de la détective ou la mort de son mari. Pour l’instant, on se sent loin du meilleur de Christin, c’est-à-dire les albums réalisés en compagnie d’Enki Bilal comme „Partie de chasse“ ou „Les phalanges de l’ordre noir“ (Humanoï des Associés). Pour ce qui est d’Annie Goetzinger, on regrette le travail soigné d’albums comme „La sultane blanche“ (Long Courrier – Dargaud). Malgré son amour pour les détails et l’atmosphère de l’époque, les dessins semblent avoir été faits à la hâte, ce qui nuit à cette nouvelle série. Connaissant le talent des deux artistes, on ne peut qu’espérer une suite plus soignée.

Christin/Goetzinger: „Agence Hardy: Le Parfum Disparu“, Editions Dargaud, 48 p., 370 LUF.


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