CINEMA: Madame Bovary goes suburbia

„Little Children“ de Todd Field, est une rencontre entre séries télé à la „Desperate Housewives“ et la grande littérature.

Que la vie en banlieue américaine est ennuyante à mort, que les gens qui y vivent sont plutôt préoccupés par la vie de leurs voisins que par la leur et que tout flotte sur un air de patriotisme xénophobe et chauviniste, est bien connu. Depuis des décennies, les séries télé véhiculent ces archétypes qui se baladent dans notre imaginaire collectif. C’est dans ce contexte que Todd Field campe son dernier Film „Little Children“. Et ce n’est pas un hasard, car le réalisateur a déjà pas mal de séries télé derrière lui. L’univers répétitif et anodin des banlieues américaines ne lui est donc pas étranger.

Le titre du film ne révèle presque rien sur son contenu: les enfants sont un leitmotiv omniprésent dans le déroulement de l’intrigue, mais n’interviennent pas dans celle-ci. A travers eux, des liens d’amour et de haine se font et se défont, mais ils n’y participent pas. Ils sont les protégés et en même temps les protecteurs des adultes.

Et bien sûr, ils sont en danger. Car la banlieue paisible attend le retour d’un pédophile qui vient de sortir de prison. Cela fait évidemment jaser les mères qui chaque après-midi amènent leurs gosses sur les aires de jeux – depuis que ce petit homme moche et maigrichon s’est installé dans leurs têtes, elles ont un nouveau sujet de conversation. La façade de la maison du pédophile – qui vit avec sa mère – se noie sous les affiches mettant en garde contre cet homme. Et sur les pavés menant à sa porte réapparaît toujours le même graffiti qui reprend un des mots-phares de l’américain moyen: „Evil“. En fait, cet homme va devenir la surface de projection de toutes les haines et frustrations accumulées par les habitant-e-s du quartier.

C’est sur la même aire de jeux que va commencer une des intrigues principales du film, la rencontre de Sarah et de Brad. Deux jeunes parents, mariés mais frustrés, qui s’occupent de leurs gosses à longueur de journée de façon quasi obsessive. Ce qui leur évite de penser à l’absence de sens dans leur vie. Deux âmes incomprises qui se croisent, un amour adultère qui se développe petit à petit. Mais ce qui pourrait devenir une épopée américaine à la „American Beauty“, prend vite des tournures anodines. En fin de compte, l’affaire de Sarah et de Brad ne reste qu’une histoire de sexe, vulgaire mais réaliste. C’est le moment où Sarah commence à le réaliser que le film achève son climax. Dans la scène où elle est opposée à une autre jeune mère de banlieue, bornée et moralisatrice et qu’elles analysent – en compagnie d’autres femmes – le chef-d’œuvre de Flaubert „Madame Bovary“. C’est en expliquant à son opposante, qui ne voit dans la révolte de la célèbre bourgeoise française du 19e siècle qu’une amoralité, qu’elle se rend compte des parallélismes étranges entre Emma et elle.

Malheureusement, Todd Field n’a pas développé cette idée. Il la délaisse au profit des autres fils de l’intrigue, qui ne remplissent pourtant pas le film. A la fin du compte le spectateur est laissé sur sa faim. On peut comprendre le geste du réalisateur de ne pas insérer des drames grandiloquents dans son film, mais le réseau de micro-intrigues qu’il tisse ne fait finalement pas grand sens. Sauf s’il s’agissait d’une série.


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