EDUCATION: Echec systématique

La dernière évaluation Pisa n’est pas tendre avec le système scolaire luxembourgeois. Mais à tout échec, quelque chose est bon. Il s’agit juste d’en tirer les enseignements.

Mauvaise note pour le système scolaire luxembourgeois? On prend l’éponge, on efface tout et on recommence !
(photo: stock.xchng)

Jamais deux sans trois. Après les humiliations imposées par les deux évaluations PISA précédentes – l’étude comparative menée par l’OCDE sur les systèmes scolaires de ses membres – le Luxembourg vient de se prendre sa troisième douche froide. On savait le pays nul en lecture, médiocre en mathématiques, on sait désormais qu’il est mauvais en sciences, domaine sur lequel la troisième édition de l’évaluation a mis l’accent. Pour faire court : aussi bien en culture scientifique que mathématique, qu’en compréhension de l’écrit, le Luxembourg se situe en deçà de la moyenne de l’OCDE.

« Il n’y a pas de mauvais élèves sans mauvais système scolaire ! », titre le communiqué de presse des Verts, qui n’ont pas attendu longtemps pour dégainer. L’éducation, c’est leur cheval de bataille, et le député en charge du dossier, Claude Adam, n’a de cesse de critiquer le caractère timoré des réformes engagées par la ministre socialiste de l’éducation nationale, Mady Delvaux-Stehres. « Si les raisons de l’échec de notre système scolaire sont multiples, la raison principale réside dans le fait que notre population scolaire a rapidement et profondément évolué depuis les années 70, mais que notre système scolaire n’a, quant à lui, guère évolué », tranche-t-il plus loin.

Certes, ce constat n’est pas nouveau. Il a même été corroboré scientifiquement dès les années 70 par l’étude « Magrip » (Matière grise perdue), qui révélait à quel point le système scolaire luxembourgeois tendait à reproduire les inégalités sociales. Le rapport national de l’étude Pisa 2006, dans son chapitre sur les implications de l’évaluation pour le système scolaire, revient – comme un ricochet – en gros sur les impacts cumulés du contexte socioéconomique et des lacunes intrinsèques au système scolaire sur les performances des élèves.

Ainsi, les rapporteurs soulignent que le parcours scolaire des élèves ayant grandi « dans une famille issue de l’immigration ou dans un environnement social moins favorisé est plus chahuté ». Si l’école n’est pas comptable de ces inégalités de départ, elle aggrave cependant la situation en essayant de « répartir progressivement la population scolaire hétérogène au départ en groupes d’apprentissage de plus en plus homogènes. » Tel est en effet le péché capital du système scolaire luxembourgeois : si tous les élèves passent par un enseignement primaire unitaire, ils sont ventilés – prématurément – dès leur entrée dans le secondaire sur base de critères plus arbitraires qu’objectifs vers l’enseignement secondaire (ES), secondaire technique (EST) ou préparatoire.

Ségrégation sociale et ethnique

Conséquence de cette sélection précoce : une « ségrégation sociale et ethnique », d’après les termes employés par les rapporteurs, qui estiment que des « doutes empiriquement fondés sont donc permis en ce qui concerne la pertinence de la voie actuellement empruntée par le système éducatif luxembourgeois pour faire face à l’hétérogénéité de sa population scolaire ». Hormis la parenthèse de la seconde moitié des années 70, où le gouvernement social-libéral avait tenté de mettre en place un système de tronc commun, cette option n’a plus été évoquée. Sous la pression de l’évidence toutefois, le principe du tronc commun n’est plus rejeté systématiquement par l’actuel ministère. Delvaux-Stehres sait qu’elle doit faire face aux conservatismes et corporatismes de certain-e-s enseignant-e-s du secondaire, voire de parents d’élèves, qui voient d’un mauvais oeil que leurs têtes blondes choyées se retrouvent dans les mêmes salles de classes avec des élèves d’autres catégories sociales.

A cette méthode de « différenciation externe », donc de sélection dans des filières distinctes et hiérarchisées, les rapporteurs préconisent une « différenciation interne », en s’appuyant plus systématiquement sur les profils individuels des élèves. Aussi, le principe du redoublement est mis en question. Si, depuis des années, un nombre croissant d’enseignant-e-s s’élève contre le système de compensation des notes afin d’éviter à l’élève de redoubler, ils ne font que critiquer une mauvaise solution à un mauvais système. Actuellement, les élèves sont condamné-e-s à atteindre un profil moyen d’exigences dans tous les domaines. Des lacunes trop fortes dans certaines branches conduisent au redoublement. Conséquence : les élèves ne sont ni soutenus dans les domaines où ils présentent des faiblesses, mais bridés dans ceux où ils montrent de bonnes aptitudes.

Il n’est donc pas étonnant que le rapport Pisa salue des initiatives tels que le Projet cycle inférieur (Proci), appliqué dans le cycle inférieur de l’EST et dont ils estiment qu’il « pourrait indiquer la marche à suivre ». D’ailleurs, le ministère ne manque pas de souligner que les élèves ayant participé au Proci « affichent une avance de 15 points en sciences, de 17 points en lecture et de 21 points en mathématiques, et, en gros, une demi-année scolaire d’avance sur les autres élèves de l’EST.

Il ne reste plus qu’à espérer que les autorités scolaires grand-ducales abandonnent la voie luxembourgeoise des petits pas et du compromis qui ne satisfait personne et ne résout les problèmes qu’à moitié. La réforme de l’école luxembourgeoise a besoin d’un coup d’accélérateur en direction d’un système moins prématurément sélectif, doté de moyens matériels conséquents et de concepts pédagogiques plus axés sur les profils individuels des élèves. Il faudra bien un jour trancher la question et, quitte à faire des mécontents, autant les faire parmi les tenants du régime actuel, dont la faillite est consacrée par les faits. Ils auront tout le temps de leur retraite pour s’en remettre et tout le temps du monde pour déverser leurs frustrations dans les colonnes du courrier des lecteurs du « Wort ».


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