MICHAEL HANEKE: Drôles de jeux

Même si « Funny Games US » reprend plan par plan son prédecesseur européen, le film en soi reste très pertinent.

«Bonjour, je suis celui qui vous jettera du bord de votre yacht dans moins de 24 heures»

Disons le dès le départ, celles et ceux qui avaient espéré une nouvelle version du « Funny Games » de 1997, seront déçu-e-s. C’est exactement le même film qui se déroule sous les yeux du spectateur, mis à part que les acteurs sont américains. Et avec Naomi Watts – qui s’est aussi investie en tant que productrice dans le projet -, Tim Roth et Michael Pitt, le réalisateur autrichien Michael Haneke a une belle ribambelle d’acteurs à son service.

L’histoire que raconte le film est en fait banale : un couple de bourgeois plutôt « upper class » et leur fils s’apprêtent à passer quelques semaines dans leur résidence secondaire près d’un lac. A peine installés, ils sont abordés par deux jeunes hommes aux manières parfaites, qui leur demandent des oeufs. Apparemment, la voisine – une amie de notre famille – en aurait besoin pour le dîner? Ce qui commence sur un ton amical va se développer petit à petit en psychodrame. Une spirale de la violence s’enclenche et ne se terminera qu’avec la mort de tous les membres de la famille.

Quoiqu’empreint de violence, le film ne fait jamais dans le gore. Le sang coule, mais discrètement. Haneke s’est focalisé sur la question : comment la violence naît-elle ? Au lieu de faire comme le reste et d’entrer dans la compétition de qui pourra montrer les scènes les plus insupportables. De ce point de vue, Haneke est plus proche de ses copains autrichiens comme Ulrich Seidl, qui délivra en 2001 avec « Dog Days » un film d’une cruauté presque insupportable, mais sans montrer la violence débridée de ses protagonistes. Rien à voir avec les massacres de la série des « Saw » ou autres excès américains du genre « Hostel ». D’ailleurs, il est peut-être intéressant de noter que le lancement américain du film a été décalé d’une semaine, justement pour ne pas sortir le même week-end que « Saw IV ».

La réflexion sur la violence qu’offre Haneke est toujours liée à l’idée de souveraineté et de supériorité. Non pas une supériorité transcendantale comme le mal ou le bien absolu – les axes autour desquels oscille le cinéma américain – mais d’une relation qui se construit par le discours. Le dialogue entre les deux meurtriers et la famille relève surtout de la non-communication. En fait, ces gens ne se parlent jamais vraiment, chacun restant dans son monde, jusqu’à la fin. Peter et Paul, les deux tortionnaires aux mains gantés, se perdent dans leurs petites allusions que le spectateur et la famille ont du mal à suivre, ils n’ont pas de comptes à rendre – comme le démontre le « Pourquoi pas ? » que rétorque un des deux à la mère lorsqu’elle demande pourquoi les deux se sont mis dans la tête de vouloir exterminer la famille entière. Le courant entre les deux parties ne passe que par les jeux pervers imposés par Peter et Paul, à savoir un pari pour savoir si le matin après à neuf heures, la famille est encore en vie ou non. Et les implorations de leurs victimes ne changent rien à leur détermination, mais ne l’amplifient pas non plus : tout se déroule selon leur plan. La seule vraie évolution dans le film est celle de la famille, alors qu’au début, ils cherchent à convaincre les deux de partir par la force, ils en sont réduits à supplier pour leurs vies et puis à se trahir l’un l’autre, juste pour survivre quelques heures de plus.

Ce que Haneke démontre ou redémontre dans ce film est que la violence est universelle et inhérente à l’espèce humaine et que la mort en fiction n’est pas une affaire de sang et de tripes qui crèvent l’écran, mais de savoir-faire.

A l’Utopolis


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