SARAH POLLEY: L’amour sous la peau

La maladie d’Alzheimer, l’amour et la mémoire sont au centre d’« Away from Her » – une oeuvre entre kitsch et finesse de Sarah Polley.

Un couple lutte contre l‘oubli … de soi-même.

L’histoire est aussi simple que tragique. Un vieux couple, qui a décidément aussi connu ses moments difficiles, mais qui a réussi à surmonter toutes les difficultés dans la perspective de finir ses jours ensemble, échoue sur la maladie d’Alzheimer de la femme. Dès qu’il devient incontestable que sa mémoire est en train de la quitter, Fiona décide de se faire interner, pour lutter au moins tant qu’elle peut contre la maladie et aussi un peu pour soulager son mari Brant, visiblement affecté par l’état mental de sa femme qui s’aggrave. Mais au lieu d’améliorer la situation, le geste de celle-ci, qui pourtant semble être la chose la plus raisonnable au monde, mène à la catastrophe : après 30 jours d’acclimatisation, pendant lesquelles Fiona n’a droit à aucune visite, elle ne reconnaît plus celui dont elle a partagée la vie pendant des décennies. Pire encore, elle s’est éprise d’un autre patient, Aubrey, et lui donne toute son attention, comme doit constater Brant – qui en demeure tout à fait paralysé.

Ce dernier se retrouve dans une situation particulière : tiraillé entre sa jalousie et l’amour pour sa femme, qui n’est pas responsable de ses actes, qui pourtant le blessent. Le choix qu’il va faire – celui de laisser leur intimité à sa femme et à son nouveau compagnon, est le point culminant du film, celui où il hésite entre kitsch sentimental et grand cinéma. Au final, c’est peut-être une question de point de vue. Si le spectateur juge l’histoire plausible et surtout crédible, ce film risque de provoquer plus d’une émotion forte. Mais si – pour une raison ou une autre – il ne croit pas vraiment à cette sorte de sentiments, il risque de dédaigner ce qu’il prend pour un roman à l’eau de rose.

Les images de Sarah Polley – une actrice qui s’est reconvertie en réalisatrice – laissent le spectateur dans le doute. Tantôt intimiste et chaleureux, le film vire plus d’une fois à la description des « grands sentiments » – par le biais de métaphores un peu trop convenues. Dommage qu’elle n’ait pu se décider entre ces deux modi operandi. Le film en aurait sûrement gagné, car le thème, en fin de compte, est éternel : l’amour dépasse-t-il la simple possession d’un être aimé ?

On ne peut que se poser des questions sur l’hésitation de Polley face à la façon de réaliser son film. Contrainte financière des studios, qui voulaient un peu plus de spectacle grand public dans ce petit film d’auteur ? Incertitudes quant à ses propres capacités ? On l’ignore – un peu à l’image de Brant, qui lui aussi doit sonder ses émotions en profondeur pour savoir quelle décision prendre. Dans ce sens, « Away from Her » fonctionne : la réalisation du film et la vie intérieure du personnage principal concordent.

« Away from Her » reste un film intéressant à voir. Ses particularités et ses beaux moments, là où les images vainquent le pathétisme, en font même une oeuvre d’une beauté insolite.

« Away from Her », à l’Utopia


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