La commission consultative des droits de l’homme (CCDH) regrette dans son avis sur l’organisation interne du futur centre de rétention l’existence même de ce dernier.
La tête baissée, l’expression retenue, c’est avec un ton de regret que Sylvain Besch entame la présentation de l’avis du CCDH. « Nous tenons à rappeler que la CCDH ainsi que le Haut Commissariat au Droits de l’Homme de l’Onu (UNHCR) mettent en cause le principe même de priver des personnes de leurs liberté, alors qu’ils n’ont commis aucun crime ni effraction ». Toute la situation paradoxale dans laquelle se trouvent les défenseurs des droits de l’homme face aux politiciens de la forteresse Europe se résume dans cette attitude : s’ils n’ont pas su empêcher le pire, ils devront limiter la casse. Et il faut admettre que dans le cas du futur centre de rétention près du Findel, il y a encore de la marge. Ainsi, le futur directeur de ce centre ne sera – si le projet passe tel quel, chose improbable vu l’opposition du Conseil d’Etat – soumis à aucun contrôle extérieur et jouira d’une liberté quasi totale en ce qui concerne les sanctions qu’il pourra infliger aux réfugié-e-s, qui, rappelons-le, ne sont pas venus au Luxembourg pour se faire enfermer mais pour y chercher un refuge plus sûr que leurs pays d’origine.
Un autre point de critique de la CCDH, qui montre très bien combien nos politiciens n’ont cure des droits de l’homme et des enfants, est que la mouture actuelle du texte ne voit aucun problème à mettre des mineurs non accompagnés derrière les barreaux du centre de rétention. La même chose vaut pour les « personnes vulnérables », ergo ; les malades mentaux mais aussi les gens souffrant de troubles psychologiques à la suite du grand voyage qu’ils ont derrière eux. Ce que la CCDH salue dans le projet de loi ne sont que des évidences, tels que le respect de la personne du retenu son intégrité physique et psychique et ses convictions religieuses. Comme si de telles dispositions ne devaient pas être naturelles.
Car derrière tous ces petits arrangements se cache toujours une réalité nauséabonde, dont la puanteur ne pourra taire l’énormité de ce centre même : le fait d’emprisonner des personnes qui n’ont rien à se reprocher, sauf de ne pas être en possession des bons papiers. Une réalité, qui fait d’ailleurs consensus même dans des cercles religieux, comme le démontre un questionnaire envoyé aux partis par la Communauté des Jésuites et de la CVX, la communauté de la vie chrétienne.
Au lieu de réfléchir à des propositions et idées alternatives comme des centres d’accueil, le gouvernement luxembourgeois a préféré prendre l’exemple de ses voisins français, dont les rafles sur étrangers sans-papiers sont devenus la cible de plus d’une ONG et d’une bonne partie de la société civile. Au lieu de penser une fois de façon indépendante et d’améliorer la situation des sans-papiers au Luxembourg – car malgré la crise il en aurait les moyens – et peut-être même de statuer un exemple au reste de l’Europe, pour démontrer qu’on n’est pas dans l’obligation de traiter les réfugié-e-s de façon inhumaine, notre gouvernement a cherché la solution de facilité. C’est une honte, d’autant plus que la situation actuelle – où les sans-papiers côtoient les criminels dans la prison de Schrassig – est utilisée pour justifier ce nouveau centre. Après tout, ils seraient mieux là. C’est du cynisme pur et dur qui se déroule sous nos yeux. Quelle différence y a-t-il entre mettre quelqu’un dans une prison et l’emprisonner dans un centre de rétention ? Aucune. Les barreaux sont les mêmes, juste que derrière ceux du centre de rétention, les gens sont innocents et ne demandent que de l’aide. Ce projet de loi est une bonne occasion d’affirmer une fois pour toutes que personne n’est illégal. Jamais.