SACHA BARON COHEN: Brumeux

« Brüno », le nouveau film de Sacha Baron Cohen tente d’explorer les clichés homos – et se perd dans la vulgarité et l’absurdité de ses propos.

Un peu moins de vulgarité aurait sans doute été un plus.

On peut penser ce qu’on veut de Sacha Baron Cohen et de ses méthodes, mais on ne peut pas passer à côté de la génialité de son concept : inventer un personnage naïf et vulgaire, plein de clichés et le laisser se heurter à la réalité pour en démontrer la cruauté et la tristesse. En fait, cette idée tient plutôt de l’activisme en tant que forme d’art que de la comédie classique. Pourtant, ce qui a fonctionné à merveille avec Ali G. et Borat deux personnages connus des autres films de l’auteur-comédien, ne marche pas avec Brüno, et cela pour plusieurs raisons.

D’abord, parce que Brüno est tout simplement con. Trop con même, pour qu’on s’y attache vraiment. Avec les autres personnages de Baron Cohen, surtout Borat, le spectateur pouvait encore s’identifier un tant soit peu, et même éprouver de l’empathie, malgré l’énormité de leurs propos. Mais Brüno est un personnage tellement difficile à capter, que la sauce ne prend pas – difficile de croire d’ailleurs que Brüno soit vraiment le premier personnage inventé par Sacha Baron Cohen. Ce qui irrite, c’est son côté malin et malsain. Alors que Borat était en quête d’un éternel amour et voulait explorer le monde, Brüno connaît déjà le monde entier et ne cherche qu’à le dominer dans sa quête de popularité. Et pour cela, il ne rechigne devant rien – adoption de bébés noirs, pathétiques propositions pour régler le conflit israélo-palestinien et même des tentatives de devenir hétérosexuel. L’autre problème, c’est le caractère peu surprenant de certaines de ses actions. Quand on raconte à un dirigeant du Hamas qu’Oussama Ben Laden ressemble à un père Noël déguisé en clochard, quelle réaction attendre, autre que le renvoi immédiat ? Et quand on se promène presque à poil dans les quartiers juifs orthodoxes de Jérusalem – c’est assez prévisible que les habitants viendront vous caillasser.

Mais tout n’est pas mauvais dans le film, puisqu’il gagne un peu en rythme dès la deuxième partie, quand Brüno se retrouve dans son pays de prédilection : les Etats-Unis d’Amérique. C’est outre-Atlantique que se déroulent les quelques scènes hilarantes du film. Comme la tentative de Brüno de devenir enfin hétérosexuel en se confiant à des « gay converters » – des chrétiens homophobes qui croient pouvoir « guérir » l’humanité de la « plaie homosexuelle ». Entendre les propos infâmes et déshumanisés de ces fanatiques fait froid dans le dos, mais procure en même temps cette sensation d’hilarité qui a fait tout le succès de Borat. Autre point fort du film : quand Brüno – la conversion apparemment réussie – se transforme en « Straight Dave », un présentateur de matches de catch particulièrement homophobe – les convertites étant toujours les pires adeptes d’une cause. Quand « Straight Dave » monte dans le ring, les rednecks – qui ignorent qu’ils assistent à une mise en scène – se mettent à gueuler des slogans comme « Mon cul n’est fait que pour chier » ou « Mort aux pédés ». Mais ensuite son ancien assistant Lutz le traite de pédé devant toute l’audience et monte dans le ring pour lui casser la gueule… et ils commencent à s’embrasser. S’ensuivent des scènes où l’on voit qu’aux States, du moins dans les régions plus reculées, l’homophobie est bien plus qu’un préjugé mais relève tout simplement de la haine de ce qui est autre – et ce n’est vraiment pas beau à voir. Surtout quand on pense que de tels match de catch comportent toujours une certaine dimension homoérotique en eux-mêmes – que penser d’autre à la vue de corps d’hommes musclés et huilés qui se sautent dessus et se tripotent ?
C’est le comble de l’absurde.

Un dernier problème du film de Sacha Baron Cohen, mais qui est inhérent à tous les pseudo-documentaires de ces dernières annés, est qu’on ne peut que difficilement partager le vrai et le fictif. Cela donne une faiblesse supplémentaire à un film qui ne tient pas vraiment debout.

« Brüno », à l’Utopia.


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