STEPHAN ELLIOTT: Oedipe à Disneyland

Avec « Easy Virtue », Stephan Elliott a commis un film qui, certes, montre de bonnes intentions, sans pour autant décoller.

Même si cela n’en a pas l’air, elle est en train de résoudre le problème oedipal de son mari.

John Whittaker est un fils de bonne famille anglaise, avec tous les attributs : grande maison de campagne, mère et soeurs névrosées jusqu’à la dépression, père cynique ainsi que toute une équipe de cuisinières et butlers divers. John semble prédestiné à reprendre le flambeau familial délibérément délaissé par son père – qui est entre autres traumatisé par ses échecs pendant la Grande Guerre. Mais, au lieu de rentrer chez lui tout seul, il décide de faire la surprise à sa famille en annonçant son mariage à la belle Larita, une Américaine, aventurière et presque gagnante de la course automobile de Monaco qu’il ramène en Angleterre. Eh oui, pendant les années 20, de telles participations semblaient encore possibles.

Le film ne montre que les épisodes que vivent les nouveaux conjoints dans la maison familiale des Whittaker et mise surtout sur les conflits qui opposent la belle et langoureuse Larita à sa belle-mère, une femme frustrée qui tente de garder les apparences contre vents et marées. Car, bien sûr, les Whittaker n’ont plus le sou? Ce qui aurait pu devenir un film intéressant, introspectif sur le thème du clash de deux cultures – en l’occurrence anglaise et américaine – et le thème ultra-obsédant de la faille entre être et paraître, se résume en fin de compte à un conte Disney pour adultes sans vrai happy end. Les conflits entre Veronica, la belle-mère et Larita sont on ne peut plus caricaturaux. Sachant que sa belle-fille souffre d’allergies et du rhume de foin, la tenante de la maison s’efforce de l’entraîner le plus souvent possible dans sa serre tropicale et s’empresse de décorer toute la maison de bouquets de fleurs fraîches. L’Américaine y répond en amenant un tableau cubiste qui la représente nue, peinte par un jeune Espagnol prénommé Pablo à Paris, juste pour semer le scandale.

Après quelques épisodes plutôt drôles – surtout le meurtre du caniche de la famille, qui devient la victime du derrière de Larita – le spectateur commence à se lasser ferme. Le film n’avance pas vraiment et aboutit à une fin qui réunit le fils avec la mère et Larita avec son beau-père. Fin qui vient trop rapidement, sans avoir été préparée par le réalisateur, même si on voit où il voulait en venir.

En somme le récit de Stephan Elliott souffre de ces maladresses, car le film aurait aussi bien pu être une réussite. Divers éléments stylistiques le font penser. Ainsi, le réalisateur semble obsédé par les reflets dans les boules de billard, dans les lunettes et dans les vitres des maisons. Ces séquences interagissent souvent avec un affrontement entre deux protagonistes du récit et rappellent le langage visuel des maîtres flamands et leurs infimes petits détails, qu’ils réusissaient à introduire dans toutes leurs peintures. Malheureusement, là encore, Elliott abuse de ce moyen stylistique et l’inflation des reflets ne fait qu’augmenter la confusion du spectateur.

« Easy Virtue » est un film qui démontre une fois de plus que l’enfer des réalisateurs est pavé des meilleures intentions. Bien au départ, le film s’égare dans ses propres méandres et démontre à la fin que le bon vieux Freud a toujours raison : par le biais de Larita, le fils se rapproche de sa mère et éloigne son père. Eh bien, ça, on le savait déjà.

« Easy Virtue », à l’Utopia.


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