PAVILLON LUXEMBOURGEOIS: Beau paquebot

La contribution luxembourgeoise à l’exposition universelle de Shanghai ne manque pas d’originalité. Une visite du chantier révèle les difficultés et l’intérêt de ce projet.

Oiseau-rouille ? Non, pavillon d’exposition en acier patiné, présentant un petit pays au centre de l’Europe.

La zone où va se dérouler à partir de mai 2010 l’exposition universelle de Shanghai, est actuellement un gigantesque chantier. Parmi les constructions les plus avancées, il y a le gigantesque pavillon de la Chine, et celui, bien plus modeste, du Luxembourg. C’est que le grand-duché a été parmi les premiers pays à réserver une place, dès septembre 2006, lors de la grande visite d’Etat avec monarque, ministres, journalistes et hommes et femmes d’affaires. Ainsi, le Luxembourg a pu obtenir un emplacement central – et suffisamment de temps pour réaliser un projet de pavillon ambitieux.

Achever la construction à l’avance s’est d’ailleurs révélé indispensable. En effet, le projet conçu par l’architecte François Valentiny utilise de l’acier Corten, un matériel qui a la particularité de se couvrir d’une mince couche de rouille d’un brun rougeâtre, pour être ensuite résistant à la corrosion. Afin que l’acier atteingne son stade « mature », il faut l’exposer aux intempéries pendant plusieurs mois, et donc achever la construction du pavillon début 2010 au plus tard.

La forme choisie par Valentiny pour le pavillon s’inspire du sens des deux derniers caractères chinois du nom de pays Lusenbao : forêt-forteresse. Le pourtour extérieur est constitué d’un large rempart, nu pour l’instant, mais qui sera recouvert de plantes et d’arbres. Au centre s’élève « la tour au nez crochu ». En la voyant sur des croquis ou en maquette, on pouvait la trouver laide, mais en se tenant en bas de son imposante silhouette, on lui trouve un certain charme. « Je l’apprécie un peu plus chaque jour, j’en suis vraiment tombé amoureux », confie « GG » Kirchner, l’architecte représentant sur place le bureau Hermann et Valentiny.

Aventure en acier

Le choix de l’acier Corten n’est pas seulement un coup de pub pour Arcelor-Mittal, le plus important contributeur financier privé à la présence luxembourgeoise lors de l’expo. « L’intérêt des surfaces rouillées est de ne pas donner l’impression d’un bâtiment nouvellement construit », explique Kirchner. Il est vrai que le look « vieux paquebot » convient bien à un pays du centre de l’Europe fier de son histoire – et pourra séduire un public chinois saturé de constructions brillantes en acier et en verre. L’architecte s’intéresse aussi au contenu et à la valeur symbolique de l’exposition universelle. Traditionnellement, celles-ci permettaient la diffusion d’idées et de technologies nouvelles, mais les éditions récentes, à Séville et à Hanovre, n’ont pas laissé de grande impression dans les opinions publiques. Kirchner estime que Shanghai possède bien plus d’atouts : « Si cette expo-ci, dans un tel pays, ne réussit pas, il faudra s’interroger sur le sens de ce type d’évènement. » Kirchner n’est pas le seul à se soucier du succès de l’exposition en général et du pavillon luxembourgeois en particulier. Au Luxembourg, le commissaire général Robert Goebbels, à côté de ses occupations de député européen, coordonne l’ensemble des préparatifs pour la mise en place du pavillon. L’ancien ministre de l’économie est convaincu de l’importance de ce projet pour renforcer les liens commerciaux avec la Chine et l’Asie en général. Sur place à Shanghai, l’équipe du consulat général luxembourgeois autour de Pierre Ferring, en plus de servir de relais diplomatique et économique, est responsable de la construction et de la logistique du pavillon. La situation de ces hommes et femmes, perdu-e-s à 9.000 kilomètres du grand-duché, dans un pays dont la culture, la langue et l’écriture leur sont étrangères, rappelle de par son côté aventureux celle des comptoirs de l’époque coloniale – le pillage institutionnalisé du pays hôte en moins.

Organiser un chantier de cette taille en Chine s’est notamment présenté comme un défi. Comme il aurait été trop compliqué d’obtenir des licences pour des entreprises luxembourgeoises, on a fait appel à des partenaires locaux. Avec un grand souci de qualité et de sécurité sur le chantier : malgré les délais à respecter, le principe est de prendre le temps de résoudre les problèmes plutôt que de risquer un accident. Kirchner vante le bon climat de travail, la manière souriante et serviable des gens de la Baoye Construction Company, le principal partenaire chinois. Pourtant, il y a eu des moments d’incompréhension. « En juillet dernier », se souvient-il, « alors que le temps aurait permis de progresser rapidement, cela n’avançait pas du tout. » Ses appels à accélérer les travaux n’étaient pas entendus, aucune explication n’était donnée. Plus tard, sa bonne relation avec l’un des ingénieurs chinois lui a permis de comprendre : « Ils avaient des difficultés pour produire les plans de détail nécessaires au montage complexe des plaques en acier, mais ils ne voulaient pas perdre la face. » Kirchner s’est fait une raison : « Il faut rester cool, s’énerver n’apporte rien. » Cela lui a été d’autant plus facile que par la suite, en deux semaines d’« efforts incroyables », Baoye a réussi à rattraper une partie du retard.

Apprentissage mutuel

Les partenaires chinois ont aussi mis à profit la collaboration. Wang Yi, le responsable du chantier de  Baoye, évoque avec enthousiasme l’expérience de travailler avec l’acier Corten et les panneaux de bois massif couvrant les murs intérieurs et auxquels on donne du jeu en les montant dans des cadres. Et, bien sûr, il adore l’idée du balcon ! Kirchner et Wang se mettent à rigoler, puis s’accordent sur un dicton chinois : « Les grands esprits pensent pareil ». Quel balcon ? En fait, il s’agit d’une fantaisie architecturale imaginée conjointement par le consul général Ferring et Kirchner : en haut de la tour centrale, dans la partie VIP, une surface triangulaire est découpée dans l’un des murs. Cette partie de la paroi pourra être abaissée à la manière d’un pont-levis, afin de servir comme balcon – une attraction supplémentaire dans le style « forteresse ».

Des attractions, il n’y en aura pas de trop, car le premier objectif du pavillon est d’attirer le public et de faire connaître le Luxembourg en Chine et en Asie. Le slogan « Small is beautiful too » fera peut-être sourire une partie du public au vu du gigantisme convenu de nombre de pavillons « concurrents ». Mais il faudra surtout compter sur l’impact de la végétation couvrant l’enceinte extérieure : la couleur dominante de la Chine urbaine est le gris, et un pays qui s’affiche comme le « coeur vert » de l’Europe apparaîtra aux Chinois-es comme un paradis.

Cela dit, si l’offensive de charme luxembourgeoise réussit, les difficultés ne feront que commencer. Les responsables de Shanghai s’attendent alors à devoir gérer un flux de 30.000 visiteur-se-s par jour. Il faudra les guider dans de bonnes conditions à travers le tunnel multimédia à l’intérieur du mur d’enceinte. Les visiteur-se-s y trouveront une « forêt virtuelle », des films consacrés au Luxembourg et à « l’espace de libre circulation de Schengen », un espace de restauration luxo-chinois ainsi que quelques projets exemplaires en matière de développement durable.

Il est vrai que dans ce dernier domaine, la Chine, avec ses difficultés et ses possibilités d’une toute autre taille, n’a pas forcément grand chose à tirer des expériences luxembourgeoises. L’inverse est plutôt le cas. Car un jour, l’ensemble des 20 millions de Shanghaïen-ne-s vivront, on l’espère, dans de bonnes conditions sur les 6.000 kilomètres carrés qu’occupe leur ville. Ce jour-là, personne n’osera plus affirmer que 700.000 habitant-e-s au Luxembourg, ce serait l’horreur.

La visite du pavillon en construction a été possible grâce à l’aide de MM. Goebbels et Ferring et de l’ensemble de l’équipe du consulat général, dans le cadre du passage de l’auteur à Shanghai à la mi-novembre.


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