Les enseignant-e-s du régime préparatoire s’encouragent. Après tout, c’est à eux et à elles que revient la lourde charge de motiver des jeunes qui ont perdu toute confiance en eux.
On aurait presque cru assister à un séminaire de motivation. A la différence près que l’orateur n’est pas un hurluberlu allumé s’adressant à des managers à la recherche de « la gagne », mais un chargé de direction du Lycée technique Nic. Biever de Dudelange. C’est dans la salle des fêtes du « Atert-Lycée » de Rédange que Jim Goerres débute la « réunion d’information et de formation », mardi dernier, devant un parterre d’enseignant-e-s du régime préparatoire : « Nous avons une responsabilité spéciale et nous faisons un travail important, mais je pense que nous ne nous rendons pas toujours compte de ce que nous réalisons vraiment et de ce que nous arrivons à éviter. En d’autres mots : il est temps de valoriser notre travail. »
Est-ce un effet de mimétisme ? A entendre Goerres, on a l’impression que les enseignant-e-s du préparatoire souffrent du même complexe que leurs élèves. Le préparatoire n’est pas une sinécure. Il accueille les élèves réputé-e-s les plus « difficiles », et à discuter avec des enseignant-e-s qui y officient, l’on constate souvent à quel point leur motivation tranche avec une forme de fatalisme. Pourtant, le credo de la réunion tourne justement autour de la valorisation du métier, de ses réalisations, et de l’importance, justement, d’encourager les élèves. A la sortie de l’enseignement fondamental, entre 10 et 14 pour cent des élèves sont orienté-e-s vers le régime préparatoire. Mais Jim Goerres n’y voit aucune raison de baisser les bras : « Le fait est que, dans ce système scolaire, on peut parler d’une hiérarchie de l’excellence, et les orientations vers le régime préparatoire sont généralement perçues, par les élèves, par les parents, par la société, comme un échec. C’est un préjugé relativement néfaste que les élèves orientés vers le régime préparatoire n’auront plus la possibilité de réussir un parcours scolaire et professionnel de qualité. » En passant, Goerres n’oublie pas que les compétences des enseignant-e-s du préparatoire pourront encore apporter leurs fruits, « le jour où nous aurons enfin ce tronc commun qui est si nécessaire ». Dommage que la ministre de l’éducation nationale était à ce moment retenue à la Chambre des député-e-s…
Motiver le personnel, lui faire prendre conscience de la valeur de son travail, pour qu’il puisse à son tour réussir à sortir ses élèves de la « spirale de l’échec » : la réunion fut ainsi l’occasion de présenter quelques exemples de projets initiés dans différents lycées du pays. L’idée de départ repose sur le constat que les principaux problèmes que rencontrent les élèves, au-delà de l’échec scolaire, résident dans le manque de confiance en eux et un sentiment de résignation. Cela conduit à des problèmes de communication et à des difficultés dans les rapports sociaux jusqu’à la possibilité de dérives vers des comportements de « dépendance » problématiques. Les adeptes de la méthode dure, de l’école de grand-papa qui mêlait à l’autoritarisme l’idéologie de la sanction, ne pourront que désapprouver.
L’aventure pédagogique
« Ce qui est positif au Lycée du Nord, c’est qu’il n’est pas très loin du lac d’Esch-sur-Sûre, » explique une des responsables du projet. Et voilà qui mène vers la « pédagogie de l’aventure » : de deux à trois heures par semaine, les élèves y pratiquent le kayak, l’escalade ou le mountain bike. Ecole de luxe ? En fait, ce genre d’activités est censé renforcer l’estime des élèves en eux-mêmes en leur faisant vivre des moments de réussite. Petit détail : lors de ces heures hebdomadaires « aventureuses », l’enseignant « ne parle et ne comprend » que l’allemand. Parallèlement, les activités sont photographiées et par la suite commentées par les élèves. Ainsi, ce projet qui existe depuis 2006 et qui jouit actuellement du soutien du Script (Service de coordination de la recherche et de l’innovation pédagogiques et technologiques) et de l’université entend combiner le sport et la langue. Le tout, afin d’améliorer les « compétences sociales » des élèves.
« Ces élèves ont déjà beaucoup encaissé au cours de leur vie », explique Patrick Hansen, qui participe à un autre projet, au Lycée technique Nic. Biever de Dudelange. « The world is a stage, » avait affirmé Shakespeare. C’est à celà qu’on pense en suivant l’exposé de cette initiative qui se décline en deux volets : « Lebensbühne » et « Künstlerbühne ». Le premier, qui occupe, comme le second, deux heures hebdomadaires, entend développer les capacités telles que la perception ou l’orientation et les « compétences sociales » qui permettent de se retrouver dans le « labyrinthe de la vie ». Le second volet met l’accent sur le mouvement, la posture, le ton de la voix.
Si d’après les initiateurs-trices de ces projets, les résultats sont tangibles, il n’en reste pas moins que certain-e-s enseignant-e-s restent sceptiques. Au détour de l’une ou l’autre conversation lors de la pause-café, l’un-e ou l’autre émet des doutes, tout en affirmant que tout cela n’est pas très nouveau. Car quelle que soit la motivation du personnel enseignant, le quotidien le confronte à des situations qui le laisse souvent désarmé. Comme cette enseignante du préparatoire : « Je ne suis pas favorable au principe des retenues, personellement je n’en donne jamais. Mais je suis obligée d’exécuter des heures de surveillance et la dernière fois, sur onze élèves, seul quatre sont apparus. »
Quoi qu’il en soit, la réforme du régime préparatoire, qui va de concert avec celle du cycle inférieur de l’enseignement secondaire et secondaire technique, est bien lancée, même si les adaptations dans certains domaines ne sont pas encore fixés. Il en va ainsi de l’évaluation. Présent à la réunion, Georges Paulus, du ministère de l’éducation, explique que le principe du calcul des moyennes est « problématique ». « Prenons l’exemple d’un élève qui a 60 points lors d’un premier test, 40 lors d’un second et 10 lors du dernier. Il aura finalement une note au-dessus de la moyenne. Toutefois, il est indéniable que ses performances se trouvent sur une pente descendante, » explique-t-il. La moyenne n’exprime donc pas grand-chose. Mais la question qu’il pose reste la suivante : « Quelle est l’alternative ? » Avant de répondre : « Nous devons encore un petit peu y travailler. » Parallèlement, le « complément de bulletin » comporte une autre forme d’évaluation, à savoir les mentions classiques comme « bien » ou « satisfaisant ».
Mais au niveau des structures, Paulus salue la tendance à créer des échanges entre les classes du préparatoire et celles de l’enseignement technique : « L’idéal, c’est que ces classes se trouvent dans le même bâtiment, comme ici, à Rédange. » Comme quoi, Jim Goerres a peut-être raison en restant optimiste quant à un futur tronc commun. Après tout, ce n’est peut-être pas un hasard s’il enseigne au symbolique Lycée technique Nic. Biever, ancien établissement pionnier du tronc commun.
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