ETHAN ET JOEL COEN: Elle a des couilles

« True Grit », le nouveau western sorti tout droit de l’écurie des frères Coen tente de refonder le genre western en subversant ses codes et en y jetant un regard contemporain.

L’émancipation féminine avant l’heure: la jeune Mattie n’hésite pas de dire ce qu’elle pense des desperados…

L’Arkansas vers 1880 n’est pas vraiment le paradis sur terre pour lequel des centaines de milliers de colons ont quitté le vieux continent. C’est un lieu où la justice et la police tentent de s’imposer souvent en vain, où il ne vaut mieux pas faire confiance à ses concitoyens et où – si on veut que les choses soient bien faites – on fait mieux d’accompagner les gens qu’on engage pour un boulot. La jeune Mattie Ross (Hailee Steinfeld) a bien compris ces leçons et fait tout pour les appliquer à la lettre. Car elle a une mission : venger le meurtre de son père, un fermier qui vient de se faire froidement abattre par un de ses ouvriers agricoles. Celui-ci, qui se fait appeler Tom Chaney, est en cavale depuis et se cache en territoire indien, là où les indigènes et les bandits font la loi.

Déterminée mais pas suicidaire, elle se cherche un homme qui l’aidera – contre une bonne rémunération – à trouver et à punir Tom Chaney. Cet homme, elle le trouvera en la personne du maréchal Reuben « Rooster » Cogburn (Jeff Bridges), un aventurier, noceur et buveur avec une forte réputation. « Ils disent que vous avez du cran », lui dit-elle pour le persuader lors de leur première rencontre. Il faudra un peu plus que des compliments pour que Cogburn consente à aider la jeune femme : 100 dollars, ce qui en ces temps était une coquette somme. Mais Cogburn et Mattie ne sont pas seuls à traquer cet homme, dont les meurtres et les vols sont connus bien au-delà des frontières de l’Arkansas. Un vrai Texas Ranger, LaBoeuf (Matt Damon), est également à ses trousses pour le meurtre d’un sénateur au Texas. Coinçée entre les deux hommes – qui, pour tout arranger, ne s’aiment vraiment pas – Mattie dirige ce trio improbable qui part investir les terres vierges d’une partie de l’Amérique encore presqu’à l’état naturel pour y affronter bandits, Indiens et autres curieuses créatures qui préfèrent la vie hors de toute civilisation. Chaney ayant laissé une trace encore chaude, la traque commence?

Par moments, « True Grit » rappelle « Deliverance » de John Boorman – qui raconte l’histoire de quatre citadins qui veulent se ressourcer dans la nature et se retrouvent poursuivis par une bande de hillbillies en colère. La chasse à l’homme dans un décor naturel vaste, la découverte de l’Amérique profonde et primitive, la haine et la méfiance, tout y est. A ce détail près que le film des frères Cohen se déroule vers la fin du 19e siècle et démontre à quel point les Etats-Unis de l’époque étaient eux-mêmes « en voie de développement ». Avec leur film, ils déconstruisent en partie les légendes que le cinéma western du 20e siècle a érigées. Non, les maréchaux ne sont pas tous des héros, même ceux qui ont une bonne réputation. Les Texas Rangers ne sont pas des superhéros non plus, comme le démontre la médiocrité, le manque de cran, la préciosité et l’animosité de LaBoeuf. Et non, les petites filles ne sont pas là pour être protégées – quand elles ont du fric, elles donnent des ordres. C’est surtout le personnage de Mattie qui retient l’attention dans « True Grit ». Elle est loin du cliché d’une amazone vengeresse, elle veut que justice soit faite et rien de plus. L’adolescente, un tantinet rebelle, semble surtout emplie de l’amour pour son père défunt et tente de récupérer son honneur pour lui et pour elle. Ainsi, elle échappe aux clichés que son rôle aurait pu comporter et cela surtout grâce au talent de la jeune actrice Hailee Steinfeld, qui ne surjoue jamais et donne ainsi beaucoup plus de crédibilité au film que ne l’ont déjà fait Jeff Bridges – dont on savait qu’il était capable d’endosser un tas de rôles – ou encore Matt Damon, dont le talent n’est plus à prouver non plus.

En tout cas, Oscar ou non, « True Grit » est déjà un des meilleurs films de cette année 2011 encore jeune.

A l’Utopolis et au CinéBelval.


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