TERRENCE MALICK: 2011 – Une odyssée de la foi

La palme d’or de Cannes 2011 est comme d’habitude un film qui crée la polémique. Mais « The Tree of Life » est tout sauf une oeuvre qui dépasse les bornes de l’entendement – c’est une ode à la peur existentielle, l’histoire d’une confrontation avec la foi et finalement un film assez conservateur.

Dieu, est-il dans une lampe de poche ?

Disons le d’emblée : « The Tree of Life » n’est pas du tout un film qu’on va voir pour se distraire. Celles et ceux qui s’aventureront dans les salles obscures devront être prêts à affronter un vrai tour de force cinématographique où la narration disparaît au détriment de grandes questions métaphysiques et dans lequel plusieurs niveaux herméneutiques co-existent. Au centre de l’histoire : une blessure qui ne veut jamais se refermer. La mort d’un enfant, un fils d’une famille de classe moyenne quelque part dans une ville américaine des années 50 ou 60. Et la question : Pourquoi ? Pourquoi dieu a-t-il laissé mourir le fils, le frère, un être humain aimé et apprécié de ses proches ? Ce questionnement, Malick l’étale sur deux temporalités : l’enfance du garçon disparu, la vie avec ses frères et ses parents dans le passé et les questions que se pose un des frères, devenu une sorte de trader, qui, malgré sa carrière, n’a jamais su occulter durablement la blessure intérieure provoquée par la disparition de son frère. Le tout est interrompu par de longues séquences assez impressionnantes qui montrent la création de l’univers et qui n’ont pas peur du ridicule : lorsque Malick montre des dinosaures, on est dans le droit de se demander s’il a échangé la foi contre la raison. Mais d’un autre côté, cela démontre aussi qu’il n’est pas un créationniste de base, vu que ces fous de dieu croient vraiment à la co-existence entre homme et reptiles géants et refutent toute idée d’évolution. Malick, en somme, propose peut-être une reconciliation entre évolutionnistes et créationnistes. De toute façon, si le dieu chrétien est au centre du film, on remarquera qu’il ne cite que le vieux testament – peut-être une façon pour ne pas se brouiller avec les autres monothéismes.

On l’aura compris : « The Tree of Life » est avant tout une rencontre avec la foi. Ou plutôt : la rencontre avec la possibilité de la foi, avec le questionnement de celle-ci. Et donc un parti pris philosophique qui est destiné à ne pas faire l’unanimité, vu que les athées risquent de ne pas apprécier la façon dont Malick pose la foi comme thème central de son film.

Finalement, même si les personnages doutent de la bonté divine, l’existence même de dieu est posée comme un a priori. Ce qui explique très bien les réactions très diverses auxquelles « The Tree of Life » a été exposé à Cannes. En d’autres mots : Si – pour vous – dieu existe, vous risquez fort d’apprécier l’oeuvre de Malick et sinon vous trouverez sûrement que c’est une daube über-kitsch faite pour sentimentaux et ésotériques de presque toutes les obédiences.

Car voilà, le parti pris du réalisateur n’est pas uniquement philosophique mais aussi esthétique. En d’autres mots : spectateur, arme-toi de patience. Ce n’est pas du tout un hasard si Malick a engagé – entre autres – Douglas Trumbull, un vétéran dans le genre des effets spéciaux et qui avait travaillé entre autres sur les images légendaires de « 2001 – A Space Odyssey » de Stanley Kubrick.

En somme, « The Tree of Life » a sûrement mérité une palme d’or pour sa vision cinématographique, ses images et le fait que rarement auparavant un cinéaste a osé baser son film sur une question métaphysique. Cela dit, par ses partis pris, il risque de ne pas devenir un grand classique universel.

A l’Utopolis et au CinéBelval.


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