PARTENARIAT: En attendant Bigot

Depuis bientôt un an, il est possible de contracter une sorte de Pacs allégé. Déplorant les limites du texte, l’ensemble de la classe politique veut l’améliorer. Le CSV et l’Eglise freinent.

„Ils ont sorti la grosse mitraillette et, pouf, je suis tombé“. Cette phrase, dite sur un ton gêné, par le député libéral Xavier Bettel, mardi soir sur RTL télévision, est révélatrice. En fait, le sujet traité concernait la loi sur certains partenariats, communément appelée Pacs, en référence à la loi française. Loin d’être un mariage bis pour gays et lesbiennes, le partenariat est aussi en-deçà de la loi hexagonale. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle fut âprement discutée et qu’un certain nombre de politiques estimaient qu’il fallait l’améliorer. D’un point de vue arithmétique d’ailleurs, c’était tout à fait envisageable lors de la dernière législature: les groupes socialiste, libéral, Vert et le député de la Gauche étaient d’accord sur ce point. Mais il manquait un partenaire de poids: le CSV. Bien que minoritaire sur la question, il refusait d’aller plus loin, estimant avoir fait avaler assez de couleuvres à une base traditionnaliste. Et lorsque le parti de Juncker dit non, il n’y va pas par quatre chemins et sort l’artillerie lourde.

Pourtant, le CSV avait tenté de s’adjuger les mérites du partenariat, essayant par la même occasion d’atténuer son image de mastodonte conservateur, rétif aux réformes de société. Mais cette modernisation, impulsée par les jeunes loups du parti, n’a pas convaincu grand monde. D’ailleurs, seuls 146 partenariats ont été conclus depuis le 1er novembre 2004, dont seulement 64 concernent les couples homosexuels. La raison: la loi n’est pas intéressante, surtout dans le domaine fiscal.

Partant de ce constat, Xavier Bettel entend déposer une proposition de loi, soutenue par son groupe, et dont le but est d’améliorer le texte sur le partenariat. Tablant sur une majorité parlementaire théorique de 31 sièges – DP, LSAP et Verts – les libéraux veulent mettre les deux autres groupes au pied du mur, surtout leurs rivaux socialistes. Si François Bausch, président de la fraction des Verts, a fait savoir au woxx que son groupe allait soutenir telle initiative, Alex Bodry, le président du LSAP, ne se réjouit pas: „C’est une manoeuvre politique de la part du DP. Ce parti a toujours été divisé sur les questions sociétales et a toujours défendu des thèses conservatrices. Ils n’avaient qu’à faire leur travail quand ils étaient au gouvernement!“ Se disant néanmoins prêt à en débattre „sur le fond“, le dirigeant socialiste déplore fortement la méthode qu’il qualifie „d’inhabituelle“. Par contre, il envisage une initiative au niveau législatif afin de faire reconnaî tre au Luxembourg des unions contractées dans d’autres pays. Luc Frieden (CSV), ministre de la justice, avait beaucoup choqué, lorsqu’il avait qualifié une telle union, en réponse à une question parlementaire, de „contraire à l’ordre public“.

Blocages dogmatiques

Heureusement que les mentalités dans la population changent plus rapidement que celles de certaines structures. Selon Théo Péporté, porte-parole de l’archevêché, „l’Eglise est d’accord pour régler certaines communautés de vie, mais pas pour ouvrir le mariage aux homosexuel-le-s“. Le sujet reste sensible pour les autorités catholiques qui peinent à trouver une synthèse entre ouverture et dogmatisme homophobe. En témoigne d’ailleurs la position alambiquée sur l’homosexualité en général, formulée par Théo Péporté: „Nous nous opposons à toute forme de discrimination. Nous ne voulons ni juger ni condamner, mais nous ne pouvons pas nous positionner positivement par rapport à l’homosexualité.“

Signe de l’exaspération de certain-e-s homosexuel-le-s face à cette attitude intransigeante, Roby Antony, membre de Rosa Lëtzebuerg sort de ses gonds à l’évocation de tels propos: „Je n’en ai rien à foutre de la position de l’Eglise! Si vous saviez combien de prêtres l’on rencontre dans les bars gays ou à la Kockelscheuer la nuit …“ Et d’appeler, en même temps, le CSV à se positionner une fois pour toutes en dénonçant la politique de l’autruche typique pour le Luxembourg: „Il appartient aux autorités publiques de montrer l’exemple en ouvrant le mariage aux homosexuels. Ce serait une preuve qu’hétéros et homos sont égaux en droits et ferait évoluer les mentalités“.

A défaut d’une mobilisation plus efficace en faveur des droits des gays et lesbiennes, qui déboucherait sur une ouverture du mariage et de l’adoption, tout semble donc dépendre du bon vouloir du CSV. Dans cette matière, l’Espagne catholique pourrait servir d’exemple: malgré la mobilisation d’un clergé qui regrette encore Franco, le gouvernement Zapatero a clarifié les choses une fois pour toutes. La population, plus éclairée, a suivi. Alors, à quand le Luxembourg?

David Wagner


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