TOMAS ALFREDSON: Guerre tiède

« Taylor, Tinker, Soldier, Spy » est une énième adaptation du roman de John Le Carré. Pourtant, celle-ci ne présente aucune nostalgie pour la guerre froide.

Même au coeur de la guerre froide, il faut savoir garder un sang froid exemplaire…

L’Angleterre en 1973 : Alors que la guerre froide bat son plein et que le rideau de fer semble être la barrière la plus infranchissable de la planète, les services secrets de sa majesté sont au tapis. Faute de vrais James Bond dans leurs rangs, ils viennent de perdre la confiance de leurs alliés américains qui ne partagent plus leurs secrets militaires avec eux. Un vent de panique et d’orgueil balaie alors les couloirs du « Cirque » – comme est surnomée la centrale des services secrets – et ne va pas améliorer les choses. Quand l’anti-communisme aveugle et fanatique épouse la cause de jeunes loups prêts à tout pour monter dans la hiérarchie de la haute maison, les coups bas et les traîtrises sont au programme?

C’est dans cette atmosphère délétère que le grand manitou des services confie une mission secrète à un ancien de la maison, le fraîchement licencié Georges Smiley. Car depuis un certain temps, la rumeur court qu’un animal curieux se serait implanté au sommet de l’échelle des services : une taupe. Un ou une contre-espion-nne russe qui serait à l’origine de toutes les informations que les Soviétiques détiennent miraculeusement sur les armements et les stratégies des Britanniques. Smiley va s’adjoindre l’aide d’un jeune loup au-dessus de tout soupçons, Peter Guillam, pour s’introduire dans l’opacité des services secrets et révéler une intrigue qui a plus de ressorts qu’on croirait.

Une plongée cinématographique dans les années de la guerre froide comporte toujours le risque de créer un sentiment de nostalgie par rapport à une époque, certes dure et dangereuse, mais dans laquelle la confusion de monde multipolaire de nos jours est inconnue. Mais l’adaptation d’Alfredson évite cet obstacle grâce à plusieurs tours de baguette magique. Premièrement, l’intrigue est racontée par le biais de nombreux flashbacks qui s’entre-téléscopent continuellement – on est donc plutôt dans la mémoire lointaine où les éléments se mêlent plutôt que dans une narration rectiligne qui fait tout s’imbriquer logiquement. Et puis, ce n’est pas une légende sur des vaillants combattants du mal que raconte « Taylor, Tinker, Soldier, Spy » mais celle d’hommes avilis, arrogants, ignorants et corrompus jusqu’à la moelle par leur soif de pouvoir et d’argent.

Le monde n’était donc pas meilleur en 1973 et pas moins complexe que de nos jours. La seule différence, c’est la fiction qu’entretiennent les pouvoirs en place : celle d’un système bicéphale qui régnait sur la planète en la partageant en deux sphères idéologiques et celle d’une planète soumise à des terreurs aléatoires, pouvant frapper n’importe où et quand. D’autant plus que dans « Taylor, Tinker, Soldier, Spy », la réalité est complexe. Tellement complexe que même le spectateur le plus attentif risque de perdre le fil par moments à savoir qui est le « vrai » mauvais – ou celui qui est le plus corrompu. Un autre mérite – et non pas des moindres – est d’évoquer l’homosexualité de quelques-uns des agents et de raconter, sans pathétisme, l’influence de ces amours virils sur le fonctionnement du contre-espionnage.

En somme, l’adaptation d’Alfredson démontre qu’on peut toujours faire des bons films sur la guerre froide sans pour autant puiser dans l’idéologie.

A l’Utopia.


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