Dans son nouveau long-métrage, le réalisateur Benoît Jacquot mêle l’histoire à la fiction pour en sortir une histoire d’amour : celle entre Marie-Antoinette et son amie préférée, la Duchesse de Polignac.
« Les adieux à la reine », film basé sur le roman de Chantal Thomas sorti en 2002, décrit un monde qui ne se rend compte que très lentement de son propre écroulement. C’est à travers les yeux de Sidonie Laborde (Léa Seydoux), jeune lectrice de la reine, que le spectateur découvre ce monde en décomposition progressive. Même si la protagoniste reste aveuglée par son amour et son dévouement à la reine (Diane Krüger), autour de qui tourne ce microcosme. Dans l’univers codé de la cour versaillaise, elle doit trouver son chemin entre les intrigues, les développements politiques qui la dépassent et les attentions de sa maîtresse qui finissent par l’enivrer jusqu’au point où elle n’arrive plus à distinguer le rêve de la réalité. Mais avant tout, elle s’enfonce dans l’histoire d’amour entre sa maîtresse et la Duchesse de Polignac ; relation mystérieuse dont on entend parler par rumeurs.
Ce sont donc bien les femmes qui sont au centre de cette histoire, les hommes (et notamment le roi) n’apparaissant qu’en marge. Marie-Antoinette règne sur Versailles mais est en même temps à la merci de ses sentiments pour Madame de Polignac. Le jeu fabuleux de Diane Krüger traduit à merveille ce paradoxe en oscillant à tout moment entre tendresse et cruauté, entre bonheur et désespoir. On est à des millions de kilomètres de la Marie-Antoinette de 2006 interprétée par Kirsten Dunst dans le film de Sofia Coppola. De l’autre côté, la jeune Sidonie ne vit que pour les humeurs de sa maîtresse, qui un jour lui montre son affection, pour mieux pouvoir l’ignorer quelques jours plus tard. Là encore Léa Seydoux réussit bien à transmettre cet antagonisme permanent entre espoir et désenchantement, tout en incarnant l’amour inconditionnel d’une servante pour sa reine.
« Les adieux à la reine » prend ainsi ses distances avec le film d’histoire traditionnel, en s’octroyant un volet fictionnel, il est plus proche de la fantaisie sur l’histoire que d’un film qui prétend reconstruire une époque. D’ailleurs les historiens le signalent : Marie-Antoinette n’était pas homosexuelle. De même, on n’y retrouve aucune représentation des insurrections populaires, qui ne sont pas du goût du réalisateur, qui dit avoir « la plus grande méfiance envers la représentation du peuple au cinéma » – dans un entretien accordé au Monde. Enfin, en l’absence totale de toute critique de « Madame Déficit », le but du film n’est pas de juger un personnage historique sur qui, de toute façon, tout a été dit et redit mille fois, mais de « plus comprendre la femme que la reine » (D. Krüger). C’est donc bel et bien une histoire d’amour, et le spectateur qui s’attend à une histoire de la révolution sera forcément déçu. Film historique atypique aussi du point de vue technique : Jacquot se sert beaucoup de la technique de la caméra portée pour suivre les errances de la jeune héroïne à travers le château.
« Les adieux à la reine » est donc un mélange de genres réussi, porté par ses actrices principales en pleine forme, par une mise en oeuvre hors du commun et surtout par son décor historique, idéal pour ce huis clos décadent.
A l’Utopia.