Une fois n’est pas coutume, le cinéaste trotskyste et écossais Ken Loach veut nous faire rire dans « The Angels‘ Share » – tout en ne délaissant pas son message.
Comme d’habitude « The Angels‘ Share » débute dans l’univers « loachien » par excellence, celui des jeunes démunis, condamnés à une vie dans la précarité et programmés à des vies pleines de criminalités diverses. Et comme toujours, il y a un bon travailleur social, disposé à tout pour au moins donner une perspective à ces rebuts de la société. Dans « The Angels‘ Share », cette bonne âme se prénomme Harry et avec la joyeuse bande qui se forme autour de Robbie, Albert, Mo et Rhino, il a de quoi s’occuper.
D’abord, il y a Robbie, qu’Albert prend sous son aile protectrice : malfrat de père en fils, il est le produit typique de la reproduction de la misère sociale. Condamné à 300 heures de travail social qui doivent lui permettre d’échapper à la prison, il est en passe de devenir père lui-même. Mais ses problèmes ne s’arrêtent pas là, car en plus, une bande rivale de jeunes veut sa peau par tous les moyens et les oncles de sa copine – tout comme son père, maquereau et propriétaire de night-clubs – le poursuivent aussi et veulent le tenir éloigné de sa jeune famille. Pour Albert, les choses sont moins compliquées. Mettons qu’il n’est pas très au top question intelligence et qu’il a tendance à se retrouver dans toutes sortes de situations malencontreuses, la plupart du temps à cause de son alcoolisme. Mo, elle, est plutôt victime de sa pulsion à voler tout ce qui n’est pas attaché avec à chaîne en fer et Rhino a eu des ennuis avec la drogue. Pour les quatre, tout change lorsque Harry les amène à une visite guidée d’une distillerie de whisky, suivie d’une dégustation. Robbie y découvre sa passion pour cette boisson célèbre aux origines écossaises et fait surtout rapidement preuve d’un talent pour reconnaître leur provenance simplement en sentant une éprouvette. En même temps, les autres découvrent qu’avec le whisky, on peut se faire beaucoup de fric. Quand ils apprennent qu’une vente aux enchères d’un tonnelet de « Malt Mill » – le saint Graal des whiskys – va bientôt avoir lieu, ils forgent un plan pour duper les acheteurs, un conglomérat de millionnaires américains.
Ce qui est étonnant dans « The Angels‘ Share », c’est de voir comment il est facile de détourner les codes d’une comédie à l’américaine de son propos moralisateur. Car ici, il n’y a pas de bons et de méchants, juste des riches et des pauvres, qui sont tous malins. Alors que Ken Loach ne peut pas à tout moment lâcher prise de son esthétique forgée dans ses drames sociaux comme « Sweet Sixteen », il semble que le vieux maître ait compris que son message passait aussi bien, voire mieux, en faisant rire son public.
Une expérience plutôt réussie. « The Angels‘ Share » a été récompensé par le prix du jury à Cannes et les critiques même dans les journaux conservateurs et libéraux – sont toutes élogieuses. Peut-être aussi parce que le « Happy End » n’en est pas vraiment un. En tout cas cette rencontre entre l’humour – et l’accent – de « Trainspotting » et le drame social est drôlement rafraîchissante et une meilleure réussite encore que « Looking for Eric », l’autre comédie de Ken Loach?
A l’Utopia.