Réviser la constitution : la proposition est intéressante, les travaux sont en cours. La Chambre des salarié-e-s s’est invitée dans le débat en publiant un avis qui pourrait le relancer. Car il vaut le détour.
« Il y a tellement de belles choses inscrites dans les constitutions ou leurs préambules dans tant de pays ! », dixit Jean-Claude Reding, président de la Chambre des salarié-e-s (CSL) sur un ton un peu amusé lors de la présentation de la CSL de son avis portant sur la réforme de la constitution. Il ne pourrait pas mieux le dire : le préambule de la constitution portugaise (de 1976) proclame encore et toujours « la décision du peuple portugais d’ouvrir la voie vers une société socialiste ». Bon, pour l’instant, le Portugal est pris entre le diktat de la Troïka et la collaboration d’une droite durement libérale et un PS mou, mais tout aussi libéral. Quoi qu’en dise donc ce préambule, ce n’est pas de lui qu’émanera le socialisme.
Il n’en reste pas moins qu’une constitution n’est pas un texte comme les autres. Il garantit des droits, qu’ils soient absolus (garantis de manière inaliénable) ou relatifs (qui contraignent l’Etat à se doter des moyens permettant leur exercice), et qui ont, par conséquent, valeur juridique. L’occasion donc pour la CSL d’intervenir dans le débat, ce que très peu d’acteurs socio-politiques ont fait jusqu’à présent. Dans un avis touffu (adopté à l’unanimité), la CSL a donc présenté cette semaine son avis subdivisé en deux grandes parties : les « droits fondamentaux et les libertés individuelles » ainsi que le « contrôle de la constitutionnalité des droits ».
Face aux menaces
Retenons uniquement quelques propositions phares en matière de droits sociaux (inclus dans le chapitre sur les libertés fondamentales). Ces nouveaux droits que la CSL propose d’inclure lors de la refonte constitutionnelle ne sont pas fabriqués de toutes pièces : ils figurent déjà dans un certain nombre de conventions ou de traités ratifiés par le Luxembourg. Mais le fait que les membres de la CSL, qui sont issus du monde syndical, estiment nécessaire de graver dans le marbre des droits qui semblent aller de soi n’est pas sans rappeler la précarité, dans le contexte actuel, de la situation des travailleurs face au capital.
A la faveur de la crise financière, dont le capital se sert de prétexte, les droits sociaux, mais aussi les libertés, sont directement menacés. Il n’est donc pas étonnant que la CSL souhaite faire inscrire le droit de grève dans ce texte. Et d’aller plus loin : si le droit de grève est garanti, il l’est dans le cadre de la législation sur les conventions collectives. L’avis rappelle ce « compromis historique » : en contrepartie de se voir contraints de négocier avec leurs salariés, les employeurs ont obtenu une réglementation stricte du droit de grève. Sur ce point, la CSL rompt un tabou, égrène les différentes formes de grèves (professionnelles, syndicales et même politiques) et ouvre le champ à l’extension du domaine de la lutte syndicale.
La CSL entend également renforcer le droit des salariés au sein de l’entreprise en voulant consacrer le droit de participation (directe ou indirecte) des travailleurs : la cogestion (qui figure dans le préambule de la constitution française de 1946) ferait ainsi son entrée dans la loi fondamentale. Une autre revendication reflète l’atmosphère sociale délétère qui parcourt l’Union européenne : celle de la protection en cas de licenciement injustifié. La CSL justifie en effet cette proposition « afin d’éviter une suppression d’une telle protection du jour au lendemain en raison de mesures de consolidation budgétaires telle que pratiquées par les gouvernements en Espagne, au Portugal ou en Grèce ». L’avis ne s’arrête évidemment pas là : d’autres droits, comme celui du droit au travail, de vivre dignement, de travailler dans des conditions « justes et équitables », mais aussi de la protection des jeunes au travail figurent parmi d’autres dans le texte. Ce qui est certainement utile, d’autant plus que la CSL rappellent que « le seul droit social nouveau que prévoit la proposition de révision constitutionnelle est `le droit à un logement approprié‘ ».