Dans « Passion », Brian de Palma se livre à la réécriture de « Crime d’amour », le dernier film d’Alain Corneau, décédé en 2010. Le réalisateur fait pourtant bien plus qu’une simple adaptation pour le public américain.
Jusqu’où peut-on pousser un être humain avant qu’il ne craque ? Et est-ce que le commerce mondialisé qui opère à des vitesses surhumaines n’est pas justement le responsable de tant de misère humaine ? Ces deux questions sont au centre aussi bien de « Passion » que de « Crime d’amour » – le legs cinématographique d’Alain Courneau qu’il acheva peu avant sa disparition.
L’histoire débute sur un ton banal : deux femmes, Isabelle et sa supérieure Christine, que la première admire de toute son âme, travaillent dans une boîte de communication basée à Berlin et opérant à un niveau international. Leur mission est entre autres de promouvoir un nouveau smartphone et c’est Isabelle qui – la nuit portant conseil – a l’idée qui pourrait surprendre et puis charmer le client. A sa grande surprise, Christine, qui aurait dû présenter le projet à Londres, laisse Isabelle faire ce voyage d’affaires, pendant lequel elle va aussi coucher avec Dirk, un des amants de Christine.
A partir de ce moment, les choses se compliquent : vu que la campagne est très bien accueillie, Christine s’accapare de l’idée d’Isabelle devant les responsables et vole ainsi son idée. Celle-ci se sent de plus en plus mise à l’écart et ne supporte les manipulations de sa supérieure qu’avec une prise de médicaments de plus en plus importante. Quand Christine l’humilie en jouant avec son coeur – en fait Dirk avait pour mission de la séduire et de filmer leurs ébats – elle craque et conduit sa voiture contre un pilier de souterrain. Puis, Christine va définitivement trop loin et montre à tous les collègues cet incident, immortalisé par une caméra de surveillance et Dirk, qui n’était qu’une marionnette de Christine – qui le couvrait dans une affaire de détournement d’argent à grande échelle – la quitte pour de bon. Le jour d’après, Christine est retrouvée la gorge tranchée dans sa maison et Isabelle se retrouve derrière les barreaux. Mais pas pour longtemps, car sa fidèle assistante Dani va trouver comme par miracle les pièces à conviction nécessaires pour l’innocenter?
Le titre « Passion » semble d’emblée un peu mal choisi pour décrire ce film transi de froid, de haine et de perversité humaine. Dans ce monde, il n’y a pas de passion, ni pour les êtres humains, ni même pour le boulot. Par contre, niveau casting, Brian de Palma a visé très juste en choisissant le duo Rachel McAdams et Noomi Rapace pour incarner Christine et Isabelle. La froideur et la folie perverse de la première glacent le sang du spectateur et, très vite, font naître et croître une véritable haine envers cette manipulatrice. Même quand elle sourit, elle est parfaitement insupportable. Quant à Noomi Rapace, cette actrice suédoise connue surtout pour ses rôles dans la trilogie « Millénium » d’après les romans de Stieg Larsson et dans « Prometheus » de Ridley Scott, elle démontre une fois pour toutes qu’elle possède la versatilité nécessaire pour incarner un personnage complexe, émotif et qu’elle peut parfaitement tromper le spectateur. La seule chose qui manque à « Passion », et que l’on trouve pourtant dans « Crime d’amour », ce sont les petites nuances qui rendent l’histoire encore plus horrible. Et, vu qu’il s’agit d’une co-production franco-allemande, ce qui est un peu curieux pour une reprise à l’attention du public américain, les acteurs allemands – à l’exception notable de Karoline Herfurth dans le rôle de l’assistante d’Isabelle – sont tous un peu blêmes par rapport à leurs collègues internationaux et leurs accents se remarquent malgré eux. Pourtant, « Passion » est bien plus qu’un thriller, c’est l’histoire d’une descente aux enfers d’une femme qui croyait réussir dans le meilleur des mondes possibles.
A l’Utopia.