DROITS DES FEMMES: Loin du compte

Le Conseil national des femmes du Luxembourg est revenu sur un grand nombre de chantiers destinés à améliorer la condition féminine. Et accuse les ratés et les retards.

C’est ce qu’on appelle du travail de presse : un beau classeur distribué aux journalistes, compartimentant proprement les divers sujets abordés, y compris des détails qui n’ont pas pu être évoqués lors de la prise de parole en conférence. Un travail utile au vu du nombre de sujets mentionnés lors de la conférence de presse du Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL). En substance, le CNFL a établi la liste des thématiques en suspens, des réformes législatives promises de longue date, mais qui ne font qu’empoussiérer les tiroirs ministériels, sans oublier les ratés et les occasions manquées.

Une de ces occasions est par exemple l’éternelle revendication de l’individualisation des droits à la pension, qui introduirait une obligation de cotisation pendant les phases d’interruption de travail. Un système qui concerne tout particulièrement les femmes, puisque ce sont elles qui interrompent le plus souvent, et sur la longue durée, leur carrière professionnelle. Ce qui, en cas de séparation d’avec le conjoint, peut les conduire dans une situation de dénuement à l’âge de la retraite. Un système qui aurait pourtant pu être introduit lors de la récente réforme des retraites. Ce à quoi, selon le CNFL, rien ne s’opposait d’ailleurs : « Lors de nos entrevues avec le ministre de la Sécurité sociale, tout le monde était d’accord, tout baignait dans l’huile », précise sa présidente, Monique Laroche-Reeff. Et puis, plus rien. La réforme est passée, les salariés devront travailler plus longtemps pour obtenirla même pension, mais la situation précaire des femmes n’aura pas été améliorée.

Charles Pasqua avait coutume de dire que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Le CNFL a donc tout intérêt à rester prudent concernant ses revendications au sujet de la nouvelle loi sur la violence domestique, que les fractions gouvernementales que sont le CSV et le LSAP lui ont promis de prendre en compte.

Il y a aussi des ratés : le CNFL n’a pas omis de revenir sur la nouvelle loi concernant l’avortement. Si toutes les organisations qui composent le CNFL ne partagent pas la même opinion de principe sur la question, il se félicite tout de même que la nouvelle loi apporte des « précisions » qui faisaient défaut dans l’ancienne. Et, à titre personnel, la présidente sortante (issue des Femmes libérales) regrette toujours le caractère obligatoire de la deuxième consultation.

« Les promesses n’engagent que ceux qui y croient »

S’il y a toutefois un sujet sur lequel il semble y avoir unanimité, c’est la question de la prostitution. Le sujet n’est pas moins délicat que celui de l’avortement, car il pose non seulement les questions de la liberté de disposer de son corps, mais aussi de l’exploitation de ce dernier. Et c’est précisément ce point qui a amené le CFNL à s’engager sur la voie « abolitionniste », celle du « modèle suédois », c’est-à-dire de la pénalisation du client (voire de la cliente). Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur ce point, il est toutefois regrettable que l’on ne connaisse pas l’opinion des principales intéressées (puisqu’il s’agit tout de même majoritairement de femmes), ce qui est notamment dû à l’absence au Luxembourg d’une organisation de défense des travailleuses et travailleurs du sexe. Les meilleures intentions du monde souffriront toujours des réflexes de substitution.

Par contre, l’on ne peut reprocher au CNFL de se limiter à un « féminisme bourgeois » qui se cantonnerait à revendiquer des quotas dans les conseils d’administration. Certes, l’on pourrait avancer la critique que le CNFL, en portant cette revendication, se berce dans l’illusion qu’une « décideuse » se montrerait a priori plus sensible à la condition de la travailleuse en raison de son sexe. Mais il propose en contrepartie des réformes dans la législation des relations collectives de travail, développant tout un arsenal dédié à l’amélioration de la condition des femmes salariées. Pourtant, il ne met pas assez en avant ces prises de position bien plus fondamentales. C’est dommage, car avec l’aggravation des conditions de travail, ce sont les femmes qui paient le gros de la note.


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