BAILAOR: „Le flamenco est comme un virus!

Deux grands de la danse flamenco contemporaine se produiront ce samedi à Luxembourg. Tandis que Mercedes Ruiz était au Japon, où elle a donné des cours de danse, nous avons parlé avec Andrés Peña, le „bailaor“.

Andrés Peña s’inspire beaucoup des grandes figures classiques du flamenco, comme el Farruco représenté ici.

(Photo dans „La Rage et la Grâce“ de René Robert, Editions Alternatives, 2001)

woxx: Comment décririez-vous votre parcours?

Andrés Peña: J’ai commencé à danser parce que j’aimais ça, mais je n’imaginais pas que j’arriverais à en vivre. Vers l’âge de 10, 11 ans, je me suis inscrit à l’école de danse de mon quartier et ensuite à celle d’Angelita Gómez. Plus tard, j’ai suivi des cours chez Domingo Ortega, Eva la Yerbabuena, Carmen Cortés, Manolete, mais là où j’ai le plus appris c’est sur scène, en travaillant dans les compagnies de ces grands artistes. Ma meilleure école c’est le travail. Sur scène je peux développer mes connaissances et m’acheminer vers un style personnel. Un des aspects les plus formateurs du travail dans une compagnie est la discipline. Mais ce que je veux c’est danser seul. Je l’ai compris à 16 ans, et depuis je m’oriente vers une carrière de soliste.

Quelle importance réelle a le prix du concours de la Biennale de Séville de 2000?

Enorme! Cela a représenté un grand „boom“ personnel, artistique, professionnel et j’ai reçu beaucoup d’offres de travail grâce à ce prix. Gagner un prix de cette catégorie vous ouvre des portes et permet aux gens de vous connaître. C’est une aide remarquable. Néanmoins, le plus important pour moi reste la satisfaction personnelle, au-delà de l’argent et même du volume de travail.

Ce n’est pas la première fois que vous vous produisez en dehors de l’Espagne …

Non, j’ai travaillé en France, quand j’avais 16 ans, et en Allemagne, où j’ai rencontré Domingo Ortega et Israël Galván. Ce sont des expériences très significatives, que j’ai vécues d’une façon très intense et qui m’ont beaucoup appris.

La critique souligne votre grâce et votre élégance, caractéristiques qui font plutôt penser à la „vieille“ école … et pourtant vous n’avez que 26 ans.

Ma danse se base sur la tradition, les écoles anciennes. Je respecte et j’admire les tendances actuelles, qui ont des représentants exceptionnels, comme la Yerbabuena et Joaquín Grilo, entre autres. Mais je me sens attiré davantage par les anciens, comme el Güito, el Farruco, Paco Laberinto, el Lamparilla, ce qui ne m’empêche pas de vivre avec mon temps. D’ailleurs, le flamenco actuel a atteint un niveau formidable. Je suis émerveillé de voir des artistes très jeunes qui ont une technique impressionnante. Mais, à mon avis, il faudrait être plus attentif au chant, il faut mieux l’écouter. En tout cas, chaque artiste se doit d’être personnel, chacun doit trouver son style.

Envisagez-vous de créer votre propre compagnie? Peut-être quand vous aurez moins envie de danser?

Pas encore! Il me faut encore acquérir beaucoup d’expérience. Je ne suis pas encore prêt. C’est très difficile de conduire une compagnie. On doit posséder la méthode qui permet d’abord de transmettre ses émotions aux artistes pour que ceux-ci, à leur tour, les communiquent au public. Le directeur d’une compagnie devient le messager d’autres messagers. Et je ne crois pas que l’envie de danser puisse s’épuiser en moi.

Vous avez donné des cours en Allemagne, en Norvège, au Japon, …, quelles sont vos impressions?

Si on naît dans une ambiance où le flamenco fait partie de la culture, cette danse représente quelque chose de très naturel. C’est pourquoi il est fascinant de constater l’intérêt qu’il y a pour le flamenco au Japon. Le flamenco est un art sans frontières, sans barrières. Le plus difficile, pour quelqu’un d’une autre culture, c’est le chant. La danse est plus accessible, même si un Japonais ou un Norvégien ne transmettent pas la même chose qu’un Espagnol.

Pourquoi pensez-vous que des personnes de cultures si lointaines aiment le flamenco et le choisissent comme moyen d’expression?

En fait, ils pourraient danser la lambada, ou la samba brésilienne ou le tango argentin … Je crois que la raison fondamentale est la grande liberté du flamenco. Il y a des règles, évidemment, mais il permet également de s’exprimer d’une façon personnelle. Chacun peut l’adapter à ses capacités, à ses goûts, à son tempérament. Le flamenco est comme un virus, une drogue, on en devient accro!

Que pouvez-vous nous dire de Mercedes Ruiz?

Parmi les jeunes danseuses, elle est un des piliers les plus solides. Elle a une grande force sur scène. Lors de la Biennale de Séville, sa „seguirilla“ et ses „alegrías“ ont été incroyables. Elle a reçu le premier prix à l’unanimité du public et de la critique. Elle se distingue déjà des autres et elle a une brillante carrière devant soi.

Et les autres membres du groupe?

Ils sont très jeunes et très compétents. Il y en a qui proviennent de dynasties très connues. La chanteuse Mercedes Cortés, née à Barcelone, entraîne les danseurs.

A part le flamenco, quelle musique écoutez-vous?

Je n’ai pas de style très défini. Dans le temps, j’ai beaucoup écouté Freddy Mercury. J’aime bien la musique classique, le gospel, le jazz …

Comment vous débrouillez-vous en boîte?

(Rires) Aïe, aïe, je plains les filles qui dansent avec moi et surtout leurs pieds! Dans les discos, je fais partie de ceux qui ne lâchent pas leur verre. Je laisse la place aux autres. Quand il ne s’agit pas de flamenco, je préfère regarder. Et j’aime le ballet et les spectacles musicaux.

Comment voyez-vous votre avenir?

Je traverse une bonne période. J’aime ma façon de danser et je réussis à communiquer avec. Je crois que l’avenir d’un danseur peut prendre deux directions: celle où il devient une figure réputée, où il crée sa propre compagnie, qui prend normalement son nom ou avec laquelle il continue de danser. D’autres danseurs ouvriront une école. Le rôle des professeurs est très important, car ils prennent des enfants très jeunes et ils doivent leur apprendre les bases de ce qui deviendra leur technique future. En ce qui me concerne, on en reparlera dans quelques années.

Quelques mots pour conclure?

Merci à la vie, à mes parents, à Dieu (je ne sais pas à qui, en fait) pour la danse, ce que je possède de plus beau.

Interview: Paca Rimbau Hernández

Andrés Peña et Mercedes Ruiz se produiront au Conservatoire de la Ville de Luxembourg, samedi, 16 novembre, à 20 heures. Il/elle seront accompagné-e-s par Mercedes Cortés, Antonio Núñez „El Pulga“, Luis Moneo au chant et Javier Patino, Ricardo Rivera aux guitares.


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