BRIAN PERCIVAL: Refuge littéraire

« The Book Thief » est un hommage au plaisir de la littérature qui sait préserver en nous un brin d’humanité ,même dans les périodes les plus noires.

Un des rares moments heureux dans la vie de Liesel.

Le roman à succès « The Book Thief » de l’auteur australien Markus Zusak, adapté par le réalisateur de séries télévisées Brian Percival, promettait d’être un nanar de première classe, comme on a pu le constater avec « Et si c’était vrai », adaptation du roman de Marc Levy. Pourtant c’est un film poétique, tendre et même tragique qui s’offre à nous.

Un narrateur – qui se cache derrière une voix off – plante le décor : celui des années noires de la Seconde Guerre mondiale. C’est avec un certain cynisme qu’il introduit l’histoire de Liesel, la protagoniste. Son destin tragique, durant les années du conflit planétaire, nous est narré. Le récit débute par la mort de son frère et son arrivée dans une famille d’accueil, où elle apprendra à lire et à écrire. La découverte de la littérature est ce qui lui permet de supporter les épreuves du quotidien. De plus, l’affection et la solidarité qui unissent véritablement les personnages passent également par celle-ci. Les livres libèrent en quelque sorte la sensibilité et font place à l’entraide, à l’amour, l’amitié et placent l’humanité au coeur de la narration. La métaphore irait presque plus loin. Lorsque Max, l’ami juif caché dans la cave, tombe gravement malade, Liesel lui lit infatigablement nombre de romans dans l’espoir de sa guérison.

Si l’histoire n’en est qu’une parmi tant d’autres et ne nous apprend rien ni sur les conditions de l’époque, ni sur l’être humain en général, elle n’en est pas moins un portrait touchant et attachant. La douceur omniprésente des personnages est ce qu’il y a de plus frappant, c’est elle qui crée un contraste extrême avec le contexte de cette Allemagne soumise au nazisme ; l’imagination s’oppose à la rigueur. Même si assez proches de la caricature, les personnages se révèlent très humains et serviraient presque d’exemple au spectateur. Une vague leçon de vie s’en dégage, et le contexte historique n’y est pas pour rien. Ce dernier rappelle la face monstrueuse tout comme infiniment bonne de l’être humain. Les notes de l’accordéon de « Papa » viennent teinter de joie les périodes les plus sombres, comme l’attente de la fin d’un raid aérien au fond de l’abri lugubre. Rien n’est tout noir ou blanc, un horrible pamphlet deviendra un superbe recueil de nouvelles, un bonhomme de neige sera l’invité surprise de Noël, fêté à la cave… L’ensemble du long métrage est fondé sur des contrastes, parfois grossiers, parfois subtils. Cela va jusque dans la photographie, tantôt au beau milieu de la nature en plein soleil, tantôt au fond d’une cave dans une obscurité aveuglante. Jouer sur ces différentes situations et contextes permet de mettre en évidence les divers aspects de la vie et ainsi d’intensifier le sentiment que la scène représente et est censé procurer, comme le parfum de la liberté que sentent, pour un instant, Liesel et son ami Rudy, en pleine forêt, isolés du monde.

L’habileté du réalisateur se retrouve dans les images dotées d’un certain grain, cet aspect poussiéreux, un peu vieillot leur confère une certaine crédibilité. Mais la vraisemblance est principalement due au jeu des acteurs, surtout celui de Geoffrey Rush qui incarne « Papa ». Il est émouvant dès sa première apparition jusqu’au générique de fin. Sa grande justesse de jeu permet à son personnage assez stéréotypé de ne justement pas être une caricature.

Ce qui est rafraichissant est que l’histoire est racontée du côté des Allemands, ce peuple dont on a nié la souffrance par le simple fait qu’il était l’attaquant. Mais le film est loin de n’offrir une réflexion que sur ce point. Comme il est une sorte d’ode à la vie et à la littérature, le spectateur comprend très vite, l’importance vouée aux mots, à l’imagination, et met par là en relief l’innocence confrontée à la guerre. De là découle une présentation de la difficulté d’expliquer le racisme, la persécution, la guerre? à un enfant. « The Book Thief » est un long métrage émouvant aux personnages attachants, et même s’il n’a rien d’un grand film, il n’en est pas mauvais pour autant.

Aux Utopolis Kirchberg et Belval .


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