PILE ET FACE (3): MIGUEL BETEGON: „Le lieu idéal n’existe pas“

„Mon chez-moi est l’endroit où se trouvent
mes livres“ …

Miguel Betegón: „Quand on aime quelque chose on s’y implique de plus en plus.“

D’apparence tranquille et posée, il est grand, brun et possède une voix belle et sonore. Tout petit, il voulait devenir employé des transports publics. Désormais, il en est plutôt devenu client. „Je travaille à la Cour des comptes européeenne et collabore au Cercle culturel Antonio Machado, ce qui me permet d’employer mon temps libre d’une façon très agréable et, je crois, constructive“.

woxx: Quel a été votre parcours professionnel au Grand-Duché jusqu’ici?

Miguel Betegón: Je suis venu d’Espagne en février 1988. J’ai travaillé à la Commission européenne pendant quinze ans avant de passer à la Cour des comptes en mai dernier.

Depuis quand êtes-vous membre du Cercle Antonio Machado et notamment bibliothécaire de cette association?

Je suis entré en contact et ai sympathisé avec le „Machado“ dès mon arrivée. J’y avais de bons amis – comme Miguel Candel, qui en a été le président à plusieurs reprises – et y collaborais à des activités ponctuelles. Depuis quelques années, je m’y suis engagé „pour de bon“ et actuellement, je consacre la plupart de mon temps libre à cette association. Cela me plaît bien et je me sens bien avec les autres membres de l’équipe.

Parlez-nous de votre activité au „Machado“

Outre ma tâche principale de bibliothécaire, j’organise des activités diverses, comme des conférences littéraires ou des rencontres avec des écrivains. Notre bibliothèque est petite, sans prétentions. Elle n’a qu’un peu plus de mille volumes, néanmoins il faut la gérer et la rendre utile.

Y a-t-il une raison particulière pour que vous vous occupiez de la bibliothèque?

J’aime lire et cela me faisait de la peine – comme aux autres collègues de l’association, d’ailleurs – de savoir que très peu de monde connaissait l’existence d’une bibliothèque espagnole, qui pouvait être utile tant pour les Espagnols que pour les amateurs de la littérature et de la langue espagnole, nombreux au Luxembourg. Voilà pourquoi j’ai voulu en assumer la responsabilité. Et comme dans tous les domaines de la vie, quand on aime quelque chose, on s’y implique de plus en plus.

Comment évolue la bibliothèque depuis que vous vous y êtes engagé?

Ces derniers temps, le nombre de volumes a augmenté, mais il y a toujours peu de gens qui connaissent la bibliothèque et viennent y emprunter des livres. Cette habitude n’est d’ailleurs pas très répandue au Luxembourg, où les gens préfèrent se ruer sur les best-sellers et les dernières parutions, plutôt que de satisfaire leur besoin de lecture. Il y a des maisons d’éditions qui nous envoient régulièrement et gracieusement des exemplaires, ce qui nous permet d’être à jour dans des domaines comme la poésie et le récit contemporain, et nous recevons également des dons de personnes privées. Bref, on assiste à une dynamisation de la bibliothèque. C’est sain et cela fait plaisir.

Lorsque vous viviez en Espagne, étiez-vous actif dans une association?

Non. Sauf que je voulais changer le monde quand j’avais dix-huit ans, comme beaucoup d’autres personnes de mon âge. Il y avait d’ailleurs de bonnes raisons de vouloir le faire … Je n’ai pas „milité“ pour ainsi dire, mais mon temps de loisir était rempli d’activités „pour la cause“. Mais la famille et les enfants sont arrivés tôt et ma disponibilité en fut réduite. En arrivant au Luxembourg, où le monde associatif est très développé et où j’avais plus de temps libre, je me suis senti très motivé pour participer à plein de choses. Notamment dans le domaine de la culture, domaine qui concerne directement le Cercle Antonio Machado.

Cela signifie-t-il que vous vous sentez comme un ambassadeur de la culture espagnole?

Quelque part, oui. Mais le titre d'“ambassadeur“ revient plutôt à l’association. Or, chaque membre actif contribue à ce que celle-ci se maintienne et continue d’organiser des activités.

Il s’agit de favoriser des espaces de rencontre entre différentes cultures et leurs associations.

Quelle est votre tâche à la Cour des comptes?

Je travaille dans le secteur du FEDER, où nous veillons à la bonne gestion des fonds destinés au développement régional et à ce que l’argent communautaire soit bien géré, que ce soit par les institutions européennes ou par les institutions nationales des pays membres.

Que vous reste-t-il du Luxembourg quand vous allez en Espagne?

Beaucoup de choses. Je vis ici depuis 16 ans, c’est ici que se trouve ma maison. Pour revenir aux livres, je dis que mon chez-moi est l’endroit où se trouvent mes livres, mes choses, mes meublesÙ ma vie, en somme. Mon épouse – Charo – et nos enfants partagent ce sentiment. D’ailleurs, cette année nous avons fêté Noël ici: les enfants, qui n’habitent plus au Luxembourg, avaient envie de „revenir à la maison“ pour les fêtes.

Comptez-vous rentrer un jour en Espagne?

Je pense que oui, étant donné que la famille de mon épouse et la mienne vivent là-bas et que je ne sais pas où s’établiront nos enfants plus tard. Où que nous soyons, notre point de rencontre sera toujours la maison. Peu importe si elle se trouve en Espagne ou au Luxembourg. Mais je suis persuadé que lorsque nous nous serons réinstallés à Madrid, nous regretterons certaines choses que nous aurons laissées ici, la maison, des amis Ù Je crois que le lieu idéal n’existe pas. Afin de mener une vie la plus agréable possible, il faut être positif et extraire de chaque lieu ce qu’il a de mieux à nous offrir. Je n’ai jamais compris les gens qui arrivent quelque part et qui s’acharnent à critiquer ce qui leur déplaît plutôt que d’apprécier ce qui peut leur donner du plaisir.

Quelles sont vos préférences en tant que lecteur?

Quand j’étais enfant, j’aimais bien les livres de Richmal Crompton et de Salgari. Malheureusement, les effets néfastes de la télévision sur la lecture ont été importants Ù Maintenant, j’aime notamment le récit contemporain.

Enfant et adolescent, comment imaginiez-vous votre vie professionnelle?

En fait, je voulais être contrôleur ou chauffeur de bus. Je dis toujours que je suis un employé frustré des transports publics! Aujourd’hui encore je me sens très attiré par ceux-ci. Mais je n’aurais jamais imaginé que j’allais devenir fonctionnaire et bibliothécaire.

Quels sont vos voeux, en tant que fonctionnaire européen d’une part et bibliothécaire du Cercle Antonio Machado, d’autre part?

Je suis un européen convaincu. Comme fonctionnaire, je souhaite une Europe plus unie dans tous les domaines et que le travail de la communauté européenne soit valorisé. Je suis pour l’élargissement. Les différences enrichissent et s’additionnent et je crois qu’il faut les organiser et les mettre en commun afin de pouvoir développer une meilleure cohabitation.

En ce qui concerne le Cercle Antonio Machado, je souhaite que sa façade et son travail continuent d’être le reflet de la bonne ambiance qui règne à l’intérieur et que la société luxembourgeoise continue d’apprécier l’activité du „Machado“ comme une contribution efficace à l’échange des idées et des cultures au Grand-Duché.

Comme bibliothécaire, je souhaite que le patrimoine de la bibliothèque augmente encore. Et mon voeu le plus fort, c’est que les gens prennent connaissance de l’existence de la bibliothèque et qu’ils l’utilisent.


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