C’est arrivé en deux temps trois mouvements: le musicien
Olivier Treinen se produit à la Kulturfabrik lors du Sonic Faces Festival avec son projet solo Lo-Fi et se retrouve soudain nouvel espoir de la scène musicale luxembourgeoise.
Il appelle ça du „pop“. Sur son premier disque-demo „N’avez-vous pas confiance en moi?“, il y a même une plage qui porte ce nom „p.o.p.“. Ce n’est pas du pop comme dans „pop stars“, mais plutôt une redécouverte des mélodies, une attention particulière accordée aux nuances, aux deuxième voix, qui contraste avec l’énergie brute et l’immédiateté qui fait la force du rock. Pour l’instant „N’avez-vous pas confiance en moi ?“ n’est encore qu’une démo, enregistrée par Olivier Treinen en tête à tête avec son ordinateur, un premier reflet représentatif de l’univers musical de ce jeune homme, qui fréquente pourtant déjà depuis presque une dizaine d’années salles de concert et salles de répétition.
En octobre dernier, il monte sur la scène de la Kulturfabrik avec Lo-Fi lors du festival Sonic Faces, d’abord avec peu de conviction. Entre le rock plus corsé de Spyglass ou d’Eternal Tango, Treinen doute de pouvoir se faire remarquer avec ses compositions plus mélancoliques. Il surprend et crée l’événement, s’imposant tout de suite à côté de gens comme récemment Raftside, Simon Ramos ou Daniel Balthasar, en tant que songwriter capable de mener sa barque seul, tout en créant un son bien à lui. Et pourtant il refuse l’étiquette du „songwriter“. Par humilité d’abord. Parmi ceux qui méritent véritablement cette dénomination, il cite Morrissey ou Bob Dylan, des artistes capables de raconter des histoires à travers leurs chansons et de dépasser le contexte purement autobiographique. „Mes textes décrivent toujours mes sentiments, face au contexte boy-girl du moment“, dit-il et ajoute: „C’est un peu ennuyeux.“ Il aimerait y travailler, ciseler davantage ses paroles, mais pour l’instant il préfère donner la primauté à l’aspect purement musical. Les mélodies d’abord, le reste suivra.
Identités multiples
Etre un homme seul sur scène avec sa guitare et des loops, cette idée il la trouve aussi un peu ennuyeuse. Voilà pourquoi il a cherché des musiciens, qui l’accompagnent dans son projet Lo-Fi. Avec plusieurs batteurs et guitaristes différents, il est pour l’instant en train d’enregistrer son tout premier album à paraître au printemps, une version plus hifi de sa démo „N’avez-vous pas confiance en moi ?“. Mais on ne serait pas au Luxembourg, si l’histoire s’arrêtait là. Comme presque tous les musiciens luxembourgeois, Treinen cultive des identités musicales multiples. Son premier groupe, c’est L’Ego, une formation belgo-luxembourgeoise, qu’il avait rejoint en tant que chanteur lorsqu’il étudiait à Bruxelles. Malgré l’éloignement géographique, la formation continue de travailler ensemble, et cela depuis 1996. L’année dernière, il a également pris le micro chez Metro, un groupe de rock fondé par le batteur, acteur et animateur-radio Mike Tock. Ce collectif, voté par eux-mêmes, „meilleur groupe du monde“ donnera son premier concert le 22 janvier à la Kulturfabrik lors du festival „Odds and Ends“. De par leur présentation, ils s’inscrivent dans la mouvance de ces groupes qui font dans l’auto-promotion ironique. Treinen ne craint pas de décevoir ceux qui les prendraient au pied de la lettre.
Il ne craint pas non plus de s’emmêler les pinceaux entre ses vies parallèles. Pour l’instant, les projets cohabitent pacifiquement. „Je suis suffisamment créatif ces derniers temps, pour pouvoir lutter sur tous les fronts“, explique-t-il. D’autant que ses trois champs d’activité sont bien délimités: Metro est franchement rock, citant parmi leurs références entre autres Franz Ferdinand, L’Ego est plus alternatif et avec Lo-Fi, Treinen suit simplement ses envies. Faire la part des choses deviendra sans doute plus difficile une fois que Lo-Fi et Metro auront sorti leur premier véritable disque et commenceront à tourner. Pas évident d’affirmer deux identités différentes en tant que musicien-ne dans un pays aussi petit que le Luxembourg.
„Mike Tock de même que David et Krescht, les autres membres de Metro, ont de fortes personnalités et un charisme certain. Ensemble nous allons imposer notre différence“, dit Treinen. Ni solitaire, ni fervent défenseur des sports d’équipe, le musicien savoure la collaboration facile et fructueuse au sein de Metro: „C’est la première fois que je fais l’expérience d’un travail en groupe aussi rapide et efficace.“ Se défouler en solo avec Lo-Fi lui permet surtout d’éviter les frustrations qui sont inévitables
lorsqu’on n’est pas seul
décideur.
Le bonheur est tout près
Il ne veut pas réfléchir à ce qui arriverait si une maison de disque devait s’intéresser à l’un de ses projets plutôt qu’à l’autre. Comme tant d’autres il nourrit le rêve de pouvoir un jour vivre de sa musique. Mais: „De toute façon, cela n’arrivera pas.“ Pendant la journée, il est journaliste chez RTL et c’est pour lui plus qu’un gagne-pain. „Je n’imagine pas faire un autre travail.“ S’il devait être musicien à plein temps, il aurait peur de regretter sa vie d’avant. „Je m’ennuierais sans doute après quelques mois“, dit-il. Treinen a trente et un ans, cela fait dix ans qu’il joue de la musique, mais il ne sait pas ce que cela lui ferait de devoir monter sur scène chaque jour comme d’autres partent au boulot. Contrairement à beaucoup de ses collègues, au Luxembourg ou à l’étranger, il n’a pas l’air pressé. A une époque où chaque saison voit l’émergence d’une nouvelle enfant prodige à peine assez grande pour tenir une guitare, il a eu le déclic musical plutôt sur le tard. Il assiste à un concert des Cure lorsqu’il a 14 ans, après il voit à plusieurs reprises Nirvana sur scène et est bouleversé par leur énergie. „J’étais suffisamment jeune pour me permettre d’être touché par toute cette émotion.“ Si ses amis bruxellois ne l’avaient pas encouragé à réaliser ses ambitions de chanteur, il serait sans doute encore en train „d’enregistrer des cassettes avec des chansons que je ne ferais écouter à personne.“
Treinen s’impose un contrôle de qualité strict. „Bei Lo-Fi ass et déi éischte Kéier wou ech ka meng Saache lauschteren, ouni datt et mer schlecht gëtt“, dit-il. Pas facile donc de l’impressionner. Bizarrement, alors que sa musique grouille de références, à Pinback en particulier, il affirme ne pas se tenir au courant de nouveautés sur le marché musical. Puisque de toute façon, il n’y a plus de véritable originalité. Mieux vaut écouter les pionniers que ceux qui essaient tant bien que mal de suivre dans leurs traces. S’il avait la possibilité de joindre un groupe particulier, il n’aurait pas à réfléchir longtemps avant de faire son choix: „les Beatles“.
Et de toute façon, il n’a plus le temps d’écumer les bacs des magasins de disques. „Ech hu mer ofgewinnt ze schlofen“, voilà sa réponse à la question comment il arrive à concilier répétitions, vie professionnelle et écriture de nouvelles chansons. En ce moment, il consacre son
temps libre essentiellement à la musique. „Cela fait que je ne reste plus prostré devant mon écran de télévision“, mais, ajoute-t-il „j’ai eu suffisamment de temps pour le faire et un jour j’en aurai à nouveau l’occasion.“ Il veut profiter de l’enthousiasme qui le porte et qui le motive à aller de l’avant. „Pour la première fois, je fais exactement ce que je veux“, dit-il. „Et cela me rend vraiment heureux.“
Festival „Odds and Ends“, le samedi 22 janvier, à 20h avec: Joseph Suchy & Fx Randomiz (D), Giant Metal (F), Metro (L), Pipi Chocolat (B).